Adieux C?est un hommage populaire digne des «grands» qui a été rendu à Mohamed Ouyahia, dit Mohia. L?auteur de Tachbaïlit (une jarre), décédé le 7 décembre dernier à l?âge de 54 ans dans un hôpital de Paris, a été, en effet, accompagné à sa dernière demeure par des centaines de personnes venues des quatre coins de la région et d?ailleurs, dont des personnalités artistiques, culturelles et politiques, qui ont tenu à marquer par leur présence leur respect et leur reconnaissance à cet artiste de talent. Cet engouement avait plongé, toute la matinée d?hier, sous un soleil radieux dans une ambiance presque festive, son village mobilisé comme un seul homme pour honorer la mémoire de son fils dont il a clamé dans une banderole qu?«il n?est pas allé vers la lumière pour briller, mais pour voir et éclairer». A l?entrée du chemin menant au cimetière, une sonorisation a été installée sur une rampe dominant la route, pour y diffuser jusqu?à l?heure de l?enterrement un enregistrement de quelques fables du disparu. Ces fables ont rappelé à l?assistance la verve de l?auteur apportant une note de gaieté et de légèreté. Un de ses amis de toujours, le chanteur Slimane Chabi qui a prononcé une brève oraison funèbre alors que la dépouille du défunt était en route vers le cimetière, a dit notamment : «Mohia était celui qui a marché le plus pour tamazight.» Et d?ajouter pour expliquer son caractère «petites gens» qui détestent les feux de la rampe : «Mohia était petit parce qu?il était grand.» Oui, grand était ce poète, dramaturge et conteur hors pair qui a consacré une bonne partie de sa vie à enrichir sa langue maternelle en y adaptant des ?uvres des plus grands talents de ce monde, tels Molière, Beckett, etc. Sa façon bien à lui de «dire» le kabyle dans ses poèmes, fables et pièces de théâtre, l?a rendu célèbre, unique et aimé par tous au point de faire l?unanimité autour de lui et de ses ?uvres. Ainsi, malgré son silence, ces dernières années, un silence dû à sa maladie, sa disparition a été ressentie comme une perte inestimable pour toute une génération qui a vibré pour son verbe et pour sa satire et admiré son franc-parler. Mais paradoxalement, c?est cette disparition qui le propulse définitivement dans la postérité après l?oubli et la solitude propres à tout exilé.