Muhand u Yahia a tiré sa révérence presque sur la pointe des pieds. Ses obsèques ont été boudées par les officiels, mais les “Brobros” étaient là. Mohia n'est pas mort ! Hier était jour de deuil en Kabylie à l'occasion des funérailles du dramaturge Muhand u Yahia, de son vrai nom Abdallah Mohia, décédé mardi dernier à l'âge de 54 ans dans un hôpital parisien des suites d'une longue maladie. À l'entrée de son village natal, près de Tassaft, une banderole accueille fièrement les visiteurs venus nombreux pour l'ultime hommage : “Aït Eurbah est fier de son fils.” Des milliers de personnes ont fait le déplacement des quatre coins de la Kabylie et d'Alger pour assister aux obsèques de feu Mohia, dont la dépouille mortelle a été rapatriée de Paris avant-hier. Des têtes connues du monde culturel, universitaire et politique étaient là : des représentants de partis politiques, dont le Dr Saïd Sadi, président du RCD, Mustapha Bouhadef du FFS, des artistes dont certains avaient côtoyé de son vivant le défunt, comme Ali Ideflawen, Slimane Chabi, Aït Menguellet… Des anciens camarades du milieu militant artistique et estudiantin des années 1970, des hommes de culture, des universitaires et bien entendu des représentants de la société civile et du mouvement associatif, tout ce beau monde a tenu à accompagner Mohia à sa dernière demeure où il repose en paix. À 13h, c'est la levée du corps. L'émotion était à son comble lorsque des youyous fusent d'un groupe de femmes comme pour rendre l'ultime hommage au père fondateur du théâtre d'expression amazigh. Le cortège funèbre s'ébranle en direction du cimetière du village ; la Chahada est psalmodiée par des vieux et des jeunes volontaires. 14h, la prière du mort avant la mise en terre. Par ailleurs, une stèle sera bientôt érigée à la mémoire de l'artiste, avons-nous appris auprès du comité du village qui a organisé des obsèques à la hauteur de ce que fut Mohia, lui qui lègue à la postérité une œuvre incommensurable, dont la génération d'aujourd'hui gagnerait à découvrir si l'on veut perpétuer le message de “Muhend u Caban”, “Lallam Gilette”, “Sinistri” et tous les autres “Brobros”. Mohia est parti comme il a vécu : dans l'humilité et la discrétion. Les “Brobros” étaient là pour l'hommage. Un hommage mérité comme le résume cet écriteau sur un morceau de tissu : “Izwir ay Abrobro !” Y. A.