Résumé de la 1re partie Août 1922 à 22h 30, Maïron Bucky est de quart sur la passerelle du «Saint Julien» quand, tout à coup, retentit un bourdonnement. Le hurlement de joie qui jaillit de l'écouteur est si violent que Mac Peckett croit un instant que son tympan droit n'y a pas résisté. Puis une voix brisée par l'émotion se fait entendre : «Ici le commandant Morrison de l'US Navy.» Le souffle coupé, Mac Peckett ne trouve pour toute réponse que ce mot étonnant, étant donné les circonstances, et digne de figurer dans les annales de l'humour britannique : «Enchanté !» dit-il. Alors s'engage la plus extraordinaire des conversations jamais échangées par fil depuis l'invention de Graham Bell. «Qu'est-ce que vous faites là ?» demande Mac Peckett, qui manifestement n'a aucune idée de l'endroit où se trouve son interlocuteur. Le commandant Morrison lui explique que la bouée est reliée à son sous-marin. Mais le nez du sous-marin est piqué dans la vase, quarante mètres plus bas. Avec lui trente-sept marins attendent du secours depuis vingt-quatre heures. Et depuis vingt-quatre heures, le téléphone sonne sur la mer, comme dans un désert. «Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?» interroge Mac Peckett, qui se demande quand même s'il n'est pas victime d'un canular. Discuter par téléphone à travers quarante mètres d'eau en 1922, ce n'est pas courant. Et Mac Peckett n'est guère au courant des dernières merveilles de la technique. Le commandant Morrison lui demande d'alerter sa base, car la radio du sous-marin est hors d'usage. Mais le commandant du cargo répond qu'il n'a pas d'opérateur radio. Le «Saint Julien» se rendait de Portland à Atlantic City. Une étape très courte, pour laquelle l'armateur n?a pas jugé bon d'engager un opérateur. La voix du commandant Morrison paraît plus angoissée. «Alors, aidez-nous à faire un trou dans la coque émergée pour avoir de l'air, nous suffoquons déjà... » Tandis que Mac Peckett regagne son bord pour chercher du matériel, le téléphone flottant reste silencieux. Que s'est-il passé à bord du sous-marin pour en arriver là ? Quarante-huit heures plus tôt, le commandant Morrison et son équipage ont pris le départ d'une croisière de propagande le long de la côte des Etats-Unis. Le «S5», dernier-né des unités de l'US Navy, est un magnifique bâtiment de 70 mètres de long. Une réussite totale dont il est logique d'être fier, et important de démontrer les prouesses. Arrivé au large de Boston, le «S5» plonge pendant cinq heures dans les meilleures conditions possibles. ll accomplit même une deuxième plongée quelques heures plus tard, dans des circonstances tout aussi favorables. C'est alors qu'arrivé à hauteur de la pointe Montauk, qui marque l'extrémité nord-est de Long Island, le commandant Morrison décide de poser son sous-marin sur un fond de 50 mètres. Le klaxon de plongée retentit dans le bâtiment. Les hommes exécutent les man?uvres habituelles. Morrison quitte le kiosque d'où il surveillait l'horizon, et referme le capot sur sa tête. Un marin tourne la manette qui assure l'étanchéité. Mais tout à coup le sous-marin prend une inclinaison tout à fait anormale. Un bruit de cataracte résonne dans tout le bâtiment. La gîte devient telle que les hommes sont précipités les uns sur les autres. Morrison perd l'équilibre. ll est projeté sur la cloison où il s'assomme à moitié. Des cris s'élèvent de toutes parts. Un bruit épouvantable d'objets de toutes sortes se fracassant sur les parois, et puis le choc de l'étrave du sous-marin se plantant dans la vase. Les hommes se ruent sur la vanne du ventilateur et bientôt le bruit de cataracte fait place à un silence de mort. (à suivre...)