«Les astrologues l'ont prédit. Un temps viendra où une femme prendra la tête du pays...», assure Mykola, un enseignant de Kiev, épris comme nombreux de ses compatriotes par la beauté et la fougue de Ioulia Timochenko. A 40 ans, cette femme apparaît comme la véritable inspiratrice de l'actuelle révolte populaire, celle qui a fait plus que quiconque pour entretenir la mobilisation des manifestants. Aujourd'hui dans le camp de l'opposition, Ioulia Timochenko a été vice-Première ministre du président sortant Leonid Koutchma, après avoir dirigé le principal fournisseur de gaz ukrainien, le Système énergétique unifié (SEU) aujourd'hui disparu. Son action au gouvernement avait, à l'époque, été appréciée par les Occidentaux, qui saluaient les réformes du secteur de l'énergie qu'elle avait initiées en dépit de l'opposition de plusieurs hommes d'affaires influents. Remerciée en 2001, elle s'était alors retournée contre Koutchma, créant un courant d'opposition au sein du Parlement ukrainien, la Baktivchina, la Mère-Patrie. Depuis elle met au service du candidat Viktor Iouchtchenko son talent d'oratrice, ses capacités d'organisatrice et son immense fortune. Son maquillage irréprochable et sa coiffure traditionnelle de paysanne ukrainienne en font une icône parfaite de la cause nationale. Elle sera dès lors la cible de plusieurs informations judiciaires et fera même un bref séjour en prison, reconnue coupable de pots-de-vin, de détournement de fonds, de corruption et d?abus de pouvoir alors qu'elle travaillait pour le SEU. Des accusations qu'elle a rejetées comme autant d'attaques politiques, alors que ses adversaires entretiennent des doutes sur l'origine de sa fortune amassée lors de son passage dans le secteur de l'énergie. Des accusations qui n?ont pas la moindre importance aux yeux de ses partisans. «Chacun sait qu'elle a travaillé au sein d'une élite criminelle, note le philosophe Miroslav Popovitch, mais la population lui pardonne, car elle a montré qu'elle pouvait agir tout autrement.». On la surnomme «Lady Iou» ou encore «Jeanne d'Arc». Avec une haine farouche au président sortant et à son entourage pour avoir mis son mari et son beau-père en prison pour fraudes, Ioulia a pris la tête de la contestation du pouvoir en place.