Résumé de la 1re partie M. John Tilberry, un Anglais, achète un billet de loterie et gagne la main de «Miss Opportune». Le voilà bien embarrassé car il devient bigame. Dans tout le royaume de Sa gracieuse Majesté, le roi Edouard VII, ce fut le rush. Les jeunes gens sans fortune achetèrent dix, vingt billets dans l?espoir de posséder d?un seul coup l?amour et la fortune. Bon nombre de maris s?en procurèrent en cachette, dans l?espoir de changer de vie si la bonne fortune les désignait comme vainqueur de cette loterie du bonheur conjugal. Le 2 avril, dix jours avant la date du tirage, une petite annonce précisa que, devant la confiance «aveugle» que lui faisaient bon nombre de ses concitoyens, Miss Opportune leur préparait une bonne surprise pour le lendemain. De fait, le 3 avril, paraissait en encadré la photo de celle qui se faisait désirer de tout un royaume, et c'était un ravissement. Le joli minois et le sourire de la dame firent un tel effet sur les c?urs britanniques que les quelques billets qui restaient furent enlevés en un rien de temps et il fallut réapprovisionner d'urgence. On cite même le cas d'un pub londonien qui fit patienter pendant cinq heures une file de soupirants dans l'attente de ces billets, devenus des billets doux par la grâce et le sourire de Miss Opportune. C'est à la vue de cette même photo que le c?ur de John Tilberry avait craqué. Perdant tout son flegme, il avait fait le tour de Brighton au pas de course et fini par trouver douze billets qu?il avait payés presque le double de leur valeur, tant ils étaient devenus rares. John était pourtant déjà fiancé à la charmante Mary Lowfordt, qui apportait dans sa corbeille de noces la fabrique de fromages de son père. Seulement voilà : John Tilberry avait horreur de l'odeur du fromage, c'était physique, cela remontait sans doute à sa plus tendre enfance, lorsque l'épicière de sa grand-mère le punissait en l'enfermant dans la réserve de chester. Son problème était insoluble, alors comme des milliers de citoyens britanniques, John s'était acheté du rêve. Pour quelques livres, il allait faire des projets d'avenir fantastiques. Il se voyait aux guides d'un fringant équipage dévaler la grande rue de Brighton, avec à ses côtés la femme la plus désirée de toute l'Angleterre, saluant d'un geste condescendant tous ceux qui, aujourd'hui, le traitaient comme un misérable coureur de dot, environné de parfum de rose et de violette, mais surtout pas de fromage. Et puis voilà, c'est arrivé, John Tilberry tient entre ses mains la lettre officielle lui annonçant l'heureuse nouvelle : il a gagné Miss Opportune. La jeune femme de vingt-deux ans, bien sous tous rapports, avec sa dot de 10 000 livres, le tout lui appartient. John tourne et retourne la lettre entre ses mains en proie à une étrange sensation. Lui qui échafaudait les rêves les plus insensés est, tout à coup, plongé dans la plus terrible perplexité. Il se sent coupable. De quoi ? Il est incapable de le dire, mais cette femme, qui lui tombe du ciel avec sa pluie de billets de banque, lui fait peur. Pour un peu il renverrait la lettre avec écrit en travers de l'enveloppe : «Inconnu à cette adresse.» A force de réflexion, il se rend compte que tous les projets qu'il a faits, même les plus raisonnables, sont des projets qui ne concernent que lui. La dame y fait figure de fantôme. Et pourtant, il va falloir compter avec sa présence. Une femme jeune et jolie, possédant une dot aussi confortable et ayant des idées aussi révolutionnaires n'est pas n'importe quelle petite bourgeoise. Que va-t-elle penser de lui ? Quel sera son comportement lorsqu'il lui fera visiter son petit deux-pièces sur cour ? Est-il assez beau ? Assez intelligent ? Sera-t-il à la hauteur ?... (à suivre...)