Les négociations entre Chiites et Kurdes pour la formation du gouvernement irakien traînent en longueur, alors que le Parlement intérimaire, censé organiser le passage du témoin à un pouvoir crédible, a été élu le 30 janvier. Entamées à la mi-février, après l'annonce des résultats de ces élections que la communauté internationale a accueillis avec soulagement, les négociations entre la liste chiite de l'Alliance unifiée irakienne (AUI) et la liste d'Union kurde buteraient sur l'attribution du ministère du Pétrole, que les deux parties se disputent, après avoir franchi maints obstacles du même genre, relatifs au partage du pouvoir. Constitué avec le soutien du grand ayatollah Ali Sistani, référence spirituelle des chiites en Irak, l'AUI dispose de 146 sièges (sur 275) au Parlement, contre 77 pour la liste d'Union kurde. Les deux formations se sont, tout de même, mises d'accord, après plusieurs tours de négociations et d'intenses pressions américaines, pour que la présidence de l'Etat revienne au Kurde Jalal Talabani et qu'Ibrahim Al-Jaâfari, membre du parti islamique Daâwa, l'une des composantes de l'AUI, prenne la tête du gouvernement. Mais, huit semaines après les élections, les négociateurs restent encore empêtrés dans des désaccords sur l'attribution de plusieurs postes ministériels. En premier lieu, les ministères du Pétrole et de la Défense, l'argent du beurre et sa protection. Les Kurdes exigent également que les chiites leur garantissent qu'ils n'imposeront pas un Etat islamique. Or, Sistani et Al-Jaâfari rêvent, tout au moins, de fonder le nouvel Irak sur des principes islamiques, même s'il n'est pas explicitement fait référence à la charia. Autre point d'achoppement : selon des chiites, les Kurdes réclament l'attribution d'un poste de vice-Premier ministre disposant de prérogatives “spécifiques”, ce que refuse l'AUI. Les Kurdes se méfient autant des chiites que ces derniers de leurs voisins dont, par ailleurs, ils acceptent mal l'autonomie qu'ils se sont arrogée, depuis la première guerre contre Saddam menée par le père Bush en 1991/92. L'Assemblée nationale transitoire, issue du scrutin du 30 janvier, doit tenir aujourd'hui sa deuxième session pour élire son président et ses deux vice-présidents. En cas d'accord sur un gouvernement avant ce rendez-vous, celui-ci sera alors soumis à un vote des députés. Ce qui n'est pas évident, à moins d'un coup de gueule des Etats-Unis. Des sources spéculent sur la nomination du chef de l'Etat sortant, le sunnite Ghazi Al-Yaouar, à la tête du Parlement, dont la mission essentielle est de confectionner une Constitution pour l'Irak post-Saddam. Les vice-présidences seront confiées à un chiite et à un Kurde. Mais d'autres affirment que Al-Yaouar préférait le poste de vice-président de l'Etat. Al-Jaâfari, qui devrait prendre la tête du nouveau gouvernement, estime que les sunnites devraient voir compenser leur échec aux élections du 30 janvier, qu'ils ont largement boycottées, par l'attribution de ministères de souveraineté, la Défense ou les Finances. Pour corser la situation, le Premier ministre sortant, Iyad Allaoui, un chiite laïque, met comme condition à sa participation au futur gouvernement que ce dernier soit complètement indépendant du pouvoir religieux. En attendant, l'Irak ne finit pas de panser ses blessés et d'enterrer ses morts. D. B.