Débat «Qu?est-ce que la littérature ?» C?est une question à laquelle a répondu l?écrivain Rachid Boudjedra lors d?une rencontre au Centre culturel de la radio nationale. Rachid Boudjedra a tenté de cerner, à travers son expérience en matière d?écriture, le significatif du concept de littérature, en indiquant néanmoins que «ce n?est pas à l?écrivain de donner une définition de la littérature, puisque ce travail incombe aux spécialistes que sont les critiques et les sociologues de la littérature». L?écriture est un acte presque incongru qu?exerce l?écrivain, et il se trouve que l?écrivain ne sait pas ce qu?il écrit. «L?histoire est secondaire, c?est un point de départ, il s?agit d?un prétexte au texte, celui-ci s?alimente de lui-même», dit-il. Et de préciser : «Il y a l?inconscient, les souvenirs et la mémoire qui, en s?organisant, alimentent l?écriture.» «La mémoire joue un rôle important dans l?organisation et la structuration du texte littéraire.» Ce sont tous ces éléments qui attribuent au texte littéraire sa substance, sa signification, sa teneur et son esthétique. Rachid Boudjedra déplore, cependant, le manque de recherche dans l?écriture chez les romanciers maghrébins, en général, et algériens, en particulier. Mais aussi le manque de créativité dans l?esthétique et de complexité dans la composition de la structure phrastique, insistant sur le fait que «l?écriture n?est pas une simple construction d?un sujet, d?un verbe et d?un complément.» C?est pour lui, beaucoup plus que cela. L?écrivain doit réfléchir sur un type d?énonciation, donc d?écriture tout en suivant une méthodologie scientifique en vue d?étoffer le texte, et le rendre profond, plus ouvert et intelligent. L?écrivain doit être imaginatif, créatif conférant ainsi à son texte ? au texte littéraire ? une poétique. La structure du texte n?est pas fortuite, cependant. Elle est façonnée par des comportements internes émanant de la mémoire affective ou encore de l?inconscient du sujet, celui qui écrit. Comportement étroitement liés à des facteurs extérieurs. Il est à savoir que le texte littéraire, lui, est ancré dans un contexte régi par un discours et social et politique. L?Histoire détermine l?écriture, même si celle-ci n?agit que comme un prétexte pour parvenir au faîte de la création poétique. L?environnement dans lequel est ancré l?écrivain et évolue d?une manière permanente constitue, en conséquence, le moteur de production de la littérature. Par ailleurs, Rachid Boudjedra a évoqué le concept d?«intertextualité», ou texte dans un autre texte. C?est-à-dire en lisant un texte d?un écrivain, l?on retrouve un autre texte par lequel celui-ci a été influencé. Dans certains de ses écrits, Rachid Boudjedra a introduit le discours de Ibn Khaldoun et bien d?autres écrivains ? et de philosophes ? arabes du Moyen Age. Ce processus de composition de la structure narrative se fait le plus souvent de façon implicite, et c?est aux spécialistes, à savoir les critiques littéraires ou les sociologues de la littérature, de le déceler et de le définir. L?intertextualité enrichit l?écriture et innove la littérature, comme l?«intratextualité» qui, elle, signifie la redondance. En d?autres termes, il y a des auteurs qui, en écrivant, se répètent dans l?écriture. C?est comme en peinture, lorsqu?on compare les différentes productions picturales d?un peintre, l?on constate des similitudes entre un tableau et un autre. Ecrire dans la langue de l?autre s?avère aussi un acte venant révolutionner la langue dans laquelle est écrit le roman. Un Algérien écrivant en langue française lui donne plus de richesse linguistique et de diversité morphologique. Rachid Boudjedra remarquera qu?en écrivant, on cherche à écrire, à produire un texte littéraire (roman, poésie, théâtre?), et qu?écrire, c?est accumuler les détails aussi ; sachant bien que le détail, lorsqu?il se multiplie et s?entasse, fait l?écriture, la nourrit et lui donne plus de consistance.