Résumé de la 2e partie Le 17 janvier 1954, en plein hiver sibérien, le camarade Vladimir Mikhaïlovitch est déclaré mort. Car tout cela est une vaste combine. Une véritable filière internationale des maris divorcés ! Le truc est de se porter volontaire pour les mines de Yakoutie. L'engagement minimum est de deux ans. Une fois arrivé là-bas, de toute façon, on ne trouve que des célibataires ou des divorcés, c'est-à-dire des complices de fait. Pendant les premiers mois, le mari envoie régulièrement sa pension, à Moscou, à l'ex-épouse, car il s'agit d'endormir sa méfiance. Puis il lui adresse une première photographie sur laquelle il a l'air gelé, ce qui est facile. Enfin, le mari organise gaiement ses propres obsèques, dans une chambrée de VRAIS camarades : c'est-à-dire de «camarades copains». Le mort offre à boire, généreusement, se fait photographier dans le cercueil avec tout le monde autour, y compris un pope d'occasion. Après quoi, les «camarades copains» adressent le document à l'épouse divorcée, qui fait son deuil de la pension. Car elle n'a aucune raison de douter. Il est courant en URSS de servir des zakouskis, de boire de la vodka, autour d'un mort et d'en faire la photographie, comme pour un mariage ! Cela ne choque personne. Et jusqu'à présent, la filière a bien marché. Etant donné la distance, les bénéficiaires de pension n'insistent pas. Il suffit, au bout de deux ans de contrat, de ne pas reparaître à Moscou et d'aller se fondre quelque part, sous un meilleur climat, dans l'immense Union des Républiques socialistes soviétiques, en se faisant tout petit. Deux ans de Sibérie pour échapper à l'écraseuse de panzer ? Vladimir n'a pas trouvé que c'était cher payé. Il se croit heureux. Hélas ! Vania était vraiment pire que les autres, car elle écrit au directeur des mines de charbon pour demander si le défunt n'a pas laissé quelque argent, sur lequel elle compte éventuellement faire valoir ses droits. Si bien que Vladimir se retrouve, ainsi que ses complices, condamnés au Yakoute à perpétuité. Selon le Français à qui l'on a raconté cette histoire (sous le manteau) à Moscou, il en serait sorti vers 1970. Mais à l'époque, en 1954, le scandale fut tel en Russie que les Izvestia, dans un article indigné, fustigent la maffia de ce qu'elles ont nommé les «maris-gredins» en précisant : «Le truc du mort vivant est utilisé par un certain nombre de ceux qui veulent honteusement échapper à leur devoir.» Or, cette histoire datant du stalinisme, on ne peut s'empêcher de rester rêveur. Car enfin, aux obsèques de Staline, en 1953, qu'avons-nous vu, peuple du monde entier ? Sa photo. Note de l'auteur : toute ressemblance avec un ou des Moscovites ayant existé ne serait, bien entendu, que pure coïncidence.