Résumé de la 3e partie Fadhma retourne chez elle un mois après son mariage. Mise en quarantaine par ses frères, elle passe pour folle. Elle reste ainsi un temps puis, gagnée par la monotonie, elle demande à se rendre auprès de son frère Tahar qui habite au village voisin de Soumeur. Tahar a été installé par son père pour occuper dans ce village des fonctions analogues aux siennes : diriger l?école coranique et régler les problèmes des villageois. A l?occasion, il confectionne aussi des amulettes et fait de l?exorcisme, dans le style des marabouts. On le consulte autant pour des affaires de religion que pour des problèmes de mauvais ?il et d?envoûtement. Si Tahar est un homme affable : il réserve un accueil chaleureux à sa s?ur et l?intègre vite dans sa famille. Sa femme ainsi que ses enfants l?entourent d?attentions. En tout cas, ici, personne ne la met en quarantaine, personne ne lui rappelle ses crises d?hystérie. La jeune femme aime aussi l?atmosphère de surnaturel qui règne dans la maison de son frère : on y confectionne des amulettes, on y chasse les démons à coups de versets coraniques et de formules spéciales. On peut aussi s?adonner à la méditation et à la rêverie, toujours chères au c?ur de la jeune femme. Mais à ses rêves se mêlent bientôt des images et des sensations très fortes, elle se croit assaillie par des forces qui veulent la posséder. Et elle se met à parler au nom de ces forces, elle se met à dire des choses extraordinaires, en rapport avec le monde mystérieux des génies, elle prétend connaître l?avenir, bref, elle parle la langue ineffable de l?invisible ou, comme on dit, en kabyle, tett?ak awal (elle donne la parole), c?est-à-dire qu?elle révèle la parole cachée, la parole étant cette connaissance des mystères et des choses cachées? Le village de Soumeur découvre, avec étonnement, qu?il a donné l?hospitalité à une grande voyante, capable de le mettre en contact avec le monde de l?invisible. Et, comme attendu, les gens commencent à affluer dans la maison de Si Tahar, qui demandant une consultation, qui suppliant une intervention pour sortir d?un mauvais pas ou obtenir une faveur? Il est là, lui, pour parler et pour confectionner les amulettes, mais on lui fait comprendre qu?on ne vient pas pour lui mais pour sa s?ur. «Nous voulons voir lalla Fadhma !» Si Tahar n?est pas jaloux du succès de sa s?ur, au contraire, il veut l?exploiter. «Et si tu donnais des consultations ?», lui propose-t-il. Elle ne voit aucun inconvénient à faire profiter les autres de ses dons de voyance. On lui aménage donc une chambre dans la maison et elle reçoit les gens qui vont bientôt venir de partout. Si Tahar devait tirer profit de cette situation : il est de tradition, en effet, que le consultant verse une obole pour que la prédiction se réalise ou que le mauvais sort soit levé. C?est ce que les Kabyles appellent lmelh? ufus (ailleurs, melh? lyed), littéralement «sel de la main», sorte de pourboire, en argent liquide ou en nature, donné à l?officiant. Les gens qui venaient voir Fadhma n?avaient pas beaucoup d?argent à l?époque, mais ils pouvaient faire des offrandes en huile, en grains ou remettre une poule? Fadhma, elle, ne s?occupe pas de ces contingences : elle dit ce qu?elle a à dire, elle fait des recommandations, prescrit des remèdes, c?est tout. Le reste est l?affaire de son frère? (à suivre...)