La guerre du pain a commencé puisque les boulangers, pour la plupart, ont suivi le mot d?ordre de grève générale lancé par leur organisation. Un tour au centre-ville a permis de constater que la plupart des boulangeries ont laissé leur rideau baissé, à l?exception de certaines. Ces dernières ont mis en marche leurs pétrins pour satisfaire les commandes des restaurants, des magasins d?alimentation générale ou encore des cliniques. A l?image de ce boulanger de la rue du Docteur-Saâdane qui approvisionne la clinique Pasteur et trois restaurants. Il dira : «Je suis pour la grève, mais je ne peux faire autrement. J?ouvre pour la clinique et les trois restaurants qui s?approvisionnent en pain chez moi.» Il ajoutera : «Pour rentabiliser mon investissement, il faudra vendre le pain à 12 DA, au moins, la baguette. A 8,50 DA, je ne m?en sors pas. A ce prix-là, je ne peux produire plus de trois balles (sac de farine de 100 kg) et demie par jour.» Ailleurs, pas loin de la Grande-Poste, les employés d?une boulangerie nous déclarent : «Notre patron nous a ordonné de travailler. Nous sommes avec el zaouali (pauvre).» Plus loin, un autre boulanger nous confie : «Dès que j?aurai vendu mon pain, je fermerai.» Du côté des restaurants ouverts, l?information sur les deux jours de grève n?a pas circulé. Jusqu?à ce matin, ils ignoraient que les boulangers protesteront aujourd?hui et demain. Eux, en tout cas, ils sont approvisionnés. Interrogés sur la provenance de ce pain, ils ont déclaré que c?est un distributeur venu de la wilaya de Boumerdès qui le leur a fourni. Cependant, l?un d?eux, surpris d?apprendre la nouvelle, a commenté ce débrayage. Il dira : «Si le pain augmente, nous ne pourrons pas augmenter le prix du sandwich. Personne ne viendra chez nous.» «En tant que citoyen, ajoutera ce commerçant, je peux vous dire qu?à 8 DA le pain, pour une famille de cinq personnes, cela me coûtera, car j?en ai pour dix pains par jour. Même en tant que commerçant, je l?achète au même prix.» Il poursuivra : «Imaginez un père de famille qui touche à peine le Smig, il ne mangera que du pain !» Par ailleurs, très tôt ce matin, certains magasins d?alimentation générale n?ont pas ouvert, alors qu?habituellement ils ouvrent avant 8h. En tout cas, la ruée vers le pain et les queues interminables devant les quelques boulangeries ouvertes ne sont pas au rendez-vous, mais le risque d?absence de pain n?est pas exclu.