Si Naftal, les bureaux de poste ont assuré le service, on ne peut en dire autant des boulangeries et des alimentations générales qui ont baissé rideau depuis mercredi. Ce qui a donné hier à des bousculades devant les quelques commerces restés ouverts. Morose est le mot qui sortait le plus souvent de la bouche des Algériens pour décrire l'Aïd. Un constat amer qui est, essentiellement dû aux attentats du 11 décembre dernier et qui avaient ébranlé tout le pays. Cependant, il a fallu aussi subir le “diktat” des commerçants. Un mot qui peut sonner fort pour certains, mais qui reflète parfaitement l'état “psychique” des citoyens pendant les quatre derniers jours. Ainsi, si les banques, Naftal, entre autres, avaient assuré le service minimum, on ne peut en dire autant des commerçants. Dès mardi, la capitale donnait l'air d'une ville en grève générale. Déjà mardi, plusieurs commerces avaient “plié bagage”. Dès le lendemain, les Algérois pouvaient constater, et confirmer, à leur insu la triste réalité. C'est surtout les boulangers qui ont “failli”. La plupart des boulangeries sont restées fermés pendant les jours de l'Aïd. Il fallait se lever très tôt pour pouvoir s'acquérir (auprès des rares boulangeries ouvertes) le sacro-saint pain. Les autres commerces ont aussi fait faux bond. Cependant, on pouvait remarquer que presque toutes les boucheries étaient ouvertes et cela dès le lever du jour. Il y avait même des files d'attente. C'est dire aussi qu'il y a eu beaucoup de familles algériennes qui n'ont pas pu acheter le fameux mouton et ont dû se rabattre sur les abats et surtout le surgelé. Certains diront que ce n'est pas la première fois qu'Alger vit cette situation et à chaque fête ou jour férié c'est la même chose (à l'instar des autres grandes villes, les boulangeries de la capitale font travailler des personnes vivant en dehors et qui à chaque jour férié rejoignent leur famille). C'est tout à fait exact. Toutefois, l'“espoir” était cette fois permis et on pouvait s'attendre à autre chose après l'appel de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) lancé avant les fêtes aux “commerçants, artisans, prestataires de services et transporteurs à se mobiliser pour assurer leurs services durant l'Aïd”. Un appel qui a été reçu zéro sur cinq puisqu'on a plutôt assisté à un boycott de la part des concernés. Un constat qui en dit long sur l'impact de l' UGCAA. Echec est donc le terme qui ira le mieux pour ce désaveu qui a dit bien son mot. Surtout qu'en face, les services publics ont assuré le service minimum comme annoncé au préalable. Que ce soient les banques (mardi jusqu'à 21h), Algérie Télécom ou encore Naftal, tous ont répondu “présents”. Aussi, l'autre aspect nouveau pour cet Aïd-el-Adha 2007 est l'expansion du “phénomène”. Ces fêtes ont surtout montré que ce n'est pas seulement les grandes villes qui ont été “abandonnées” par leurs commerçants, mais c'est la quasi-majorité des localités. À travers presque tout le pays le constat a été le même : magasins, commerces, artisans et autres, tous avaient décidé de prendre leur “congé” au grand dam des citoyens. Le problème du manque de pain, de lait, et autres aliments, s'est posé partout. À l'Est, à l'Ouest, au Sud et au Centre, l'Algérien a eu à se débrouiller comme il peut pendant carrément les quatre jours, de mardi à vendredi. Du coup, le citoyen lambda se retrouve confronté à une situation paradoxale. Si pendant les années 1970, et surtout 1980, le problème qui se posait était surtout la pénurie. “Maintenant tout est là et c'est juste une question de moyens. Chacun par rapport à sa bourse, mais normalement tout doit-être à la disposition de chacun”, nous dira un homme d'une quarantaine d'années, père de famille et fonctionnaire, très remonté : “Au lieu de cela, on se retrouve toujours dans cette situation de manque. On dirait que c'est notre destin. Cela nous poursuit partout et tout le temps”. Cet état de fait vient aussi remettre en question comment est géré le marché national. Elle donne surtout plus de poids aux partisans du “plus d'Etat”. Aussi, elle ne peut qu'expliquer pourquoi (selon le propre constat de l'UGCAA) l'activité commerciale parallèle représente, 70% du marché national. Et que 60% des produits (aliments, vêtements, bijoux, appareils électroménagers...), disponibles dans le pays, sont commercialisés au niveau des marchés informels. Combattre l'informel est sans aucun doute une cause à laquelle tout le monde doit adhérer, mais il faudrait pour cela que les “combattants” soient bien armés. Ce qui vient de se passer ces derniers jours va, on l'espère, secouer la machine commerciale et artisanale du pays. Rendez-vous aux prochains jours fériés. Salim KOUDIL