C'est parce qu'il fallait reconnaître leurs talents et leurs combats menés durant toutes les étapes de l'histoire du pays, que l'UNAC a pris l'initiative de les inviter à exposer leurs œuvres au niveau de la villa Angelvy à Tipaza, ce mois d'août. Une très délicate manière de rendre hommage à ces artistes de l'ombre car même celles qui ne sont plus de ce monde ou qui se trouvent à l'étranger étaient présentes à Tipaza à travers leurs créations. Parmi ce bouquet de roses qui sent le bonheur, se trouvait Souhila Belbahar. Toujours aussi dynamique, elle expliquait et répondait d'une manière courtoise aux sollicitations, lors du vernissage consacré aux artistes peintres femmes qui a eu lieu le 10 août dernier. Une soixantaine de tableaux ornaient les 3 salles de la villa Angelvy. Ils illustraient le génie de l'art des femmes algériennes depuis les années 1940 à nos jours. Dommage, l'UNAC n'avait pas suffisamment de moyens pour inviter toutes ces artistes à Tipaza. Cet espace culturel construit au milieu du site archéologique et entouré d'un environnement naturel exceptionnel, s'est transformé subitement en un carrefour d'échanges et de rencontres pour l'ensemble des styles et les arts. La doyenne Belbahar Souhila était entourée par Imékraz Saléha, Mimi Hafida venue de Batna, Kourdoughli Ahlam venue de Constantine, Abbabsia Djamila, Cherrih Djazia, Larab Yasmina, Remiza Zoulikha. Elles scrutaient les tableaux et commentaient chacune des œuvres exposées. Une ambiance particulière régnait au niveau des grandes salles de la villa Angelvy. Toujours avec des airs sympathiques et leur humeur bon enfant, les femmes artistes ont tenu à faire quelques remarques au président de l'UNAC. Ce dernier s'est démené pour organiser une telle manifestation culturelle qui s'est déroulée dans l'anonymat. Aucun officiel n'était présent. La peinture a décidément du mal à se faire aimer, en dépit des sentiments « colorés » exprimés par les artistes. A l'issue de la visite de l'exposition, c'est Massen Mohamed, un artiste peintre, sculpteur, journaliste et critique d'art qui invite l'assistance à une conférence sous le thème, « regard sur les arts plastiques en Algérie depuis 1990 à nos jours ». La définition de l'art moderne et l'art contemporain, les arts plastiques qui s'inscrivent dans la mondialisation et l'influence de l'art universel sur les artistes algériens, tels étaient les chapitres abordés lors de cette intéressante conférence animée par le passionné Massen. L'univers des arts plastiques fait face à l'introduction des moyens de haute technologie. La bataille sur la maîtrise du marché de l'art, qui est engagée depuis des années, a créé la surenchère et cela est devenu un véritable business. « Il y a des faiseurs de chefs-d'œuvres », précise l'orateur. Il cite l'exemple du musée de Bilbao et les retombées positives de ce phénomène sur le développement économique de cette ville. L'art plastique en Algérie, quoique les talents et les génies existent, a besoin du soutien logistique et moral, notamment les supports médiatiques, les rencontres et les conférences. L'Algérie recèle des trésors artistiques qui ne sont même pas mis en valeur, pis pas même protégés. La marginalisation, le désarroi des artistes peintres, les querelles et tensions internes sont autant d'indices qui ont entraîné cet art dans l'incertitude, ayant de surcroît permis aux illustres inconnus médiocres d'émerger, dans cet univers pour engranger des dinars et satisfaire leurs besoins financiers, faisant fi de cet art qui a vu le jour grâce aux sacrifices des femmes et des hommes, à l'image de Baya et Issiakhem, pour ne citer que ces exemples. « Les problèmes demeurent identiques hélas, depuis l'Indépendance de notre pays pour les artistes peintres », déclare Mme Belbahar. L'orateur réagit pour expliquer les raisons de la situation actuelle de l'artiste peintre algérien devenu, par la force des choses, comme un orphelin. « Je crois fermement qu'il faut avoir une âme d'artiste et être persévérant pour développer l'art plastique en Algérie explique-t-il. Si on me sollicite pour une conférence, n'importe où dans le pays, à la rencontre d'étudiants, de lycéens ou de jeunes artistes peintres, pour parler de l'art uniquement, j'irais volontiers sans attendre d'argent en retour ». L'assistance regrette que certaines personnes ont squatté l'esprit de Khalida Toumi, ministre de la Culture, pour la détourner des véritables problèmes et des soucis des artistes talentueux. « Les chefs-d'œuvres se vengent toujours », conclut Massen ravi de partager, à travers cette conférence, ces moments de bonheur. Cette exposition a finalement suscité un enthousiasme et une joie de vivre au sein d'une assistance, soucieuse de l'avenir du véritable et authentique art plastique algérien.