Résumé de la 8e partie De nombreux enquêteurs vinrent interroger Heaulme eux-mêmes. Il griffonna des croquis précis et fit souvent preuve d?une mémoire surprenante. Au fil des entretiens, Abgrall enregistra tout et vérifia scrupuleusement tous les dires du tueur. Il comprit ainsi que chaque fois qu?Heaulme allait raconter un meurtre réel, «il dit qu'il met une chemise blanche, un pantalon à pinces et des chaussures rétro. Il pense qu?on ne va pas l'accuser parce qu'un tueur ne peut pas être aussi bien habillé». Il découvrit également qu?il était arrivé à Heaulme de tuer avec un complice. Heaulme fut mis en examen avec un autre vagabond, Didier Gentil, pour le meurtre de Laurent Bureau, un jeune appelé, dont il décrivit en détail le calvaire à des enquêteurs de Périgueux. En février 1993, à la direction générale de la Gendarmerie nationale, une cellule fut spécialement créée pour enquêter sur les crimes probables de Francis Heaulme. Abgrall en reçut la responsabilité et on lui octroya un collègue du centre technique de rapprochement de l'Institut de recherches criminelles de la Gendarmerie nationale de Rosny-sous-Bois, spécifiquement pour le seconder. Abgrall et son collègue accomplirent un travail de fourmi, recoupant les affaires, cherchant les points communs et les différences. L'ordinateur de la gendarmerie croisa des centaines d'informations. Les amendes Sncf que Heaulme n'avait jamais payées, les plaintes incessantes qu'il déposait, ses demandes auprès des organismes sociaux, la seule condamnation dont il ait écopé (à Besançon, en 1989, Heaulme avait volé 50 francs à une vieille dame. Sans que l?on sache pourquoi, il s'était rendu et avait passé 38 jours de prison). Abgrall, patient, attentif à chaque mot, soignant son vocabulaire (ne pas parler de meurtre ni de sexe), revint voir Heaulme seul ou avec d?autres enquêteurs et le laissa de nouveau parler, mais en le corrigeant lorsqu?il se trompait, en l?empêtrant dans ses contradictions. Heaulme avoua plusieurs meurtres avec un luxe de détails, mais en mélangeant toujours les endroits, en modifiant certains éléments. Ainsi, en mai 1993, il expliqua : «Un jour, entre Dunkerque et Cherbourg, j'ai étranglé un arbre. J?ai serré, il est devenu mou. C?était un jeune.» Il situa la scène en 1989 et indiqua avoir laissé le corps «à 12 km de la mer». Abgrall, ne trouvant rien dans les archives du nord de la France, chercha dans le fichier sommaire de la gendarmerie. Un cadavre d'enfant avait bien été découvert «à 12 km d'une plage», mais dans le Sud, à Port-Grimaud : le petit Joris Viville. En revanche, Heaulme avait bien tué à Boulogne, mais c'était Jean Rémy, 65 ans, en janvier 1992, juste avant d?être arrêté ! Si certains enquêteurs furent très intéressés par les aveux de Heaulme, d?autres les traitèrent avec dédain et, lorsqu?il eut l?intuition que Heaulme était bien responsable, Abgrall dut parfois les convaincre. Ainsi, le collègue d?Abgrall remarqua une affaire de meurtre en Alsace datant de mai 1991, celui de Laurence Guillaume. Le gendarme se rendit à Metz, où on lui indiqua fermement que Heaulme n?était pas le coupable. (à suivre...)