Avant, une succession d?épidémies parsemait le quotidien de l?Algérie. Les chiffres étaient effarants : botulisme, tuberculose (18 328 cas en 2001), typhoïde (2 411 en 2002), rougeole, méningite (2 579 en 2002), gale, intoxications alimentaires (4 000 à 5 000 cas / an), maladies à transmission hydrique (8 125 cas / an). On s?attendait pratiquement à tout. Tout, sauf la peste, cette maladie qu?on croyait rangée dans les tiroirs comme l??uvre d?Albert Camus dans les bibliothèques. Kehaïlia, un hameau sorti subitement de l?anonymat, annonce la couleur. Ainsi entre les 4 et 18 juin 2003, 10 cas de peste bubonique sont apparus dans la localité de Kehaïlia, commune de Tafraoui, village de 1 200 personnes, à 30 km d'Oran. On déplore le décès du premier cas signalé. Le village est mis en quarantaine pour 12 jours et tous les habitants du village sont mis sous traitement préventif (sulfamides + tétracyclines) en plus d'une campagne de désinsectisation. Une enquête est en cours afin d'identifier l'origine exacte de l'épidémie. La peste est bel et bien là et n?est pas allée comme on l?aurait cru, rejoindre dans la postérité les autres maladies dites «moyenâgeuses». Les spécialistes prennent le soin de faire le tri. On décèle trois à quatre genres de virus, mais, en été, les Algériens ont horreur de la pédagogie. L?Algérie est-elle oui ou non un grand foyer de peste ? se demande-t-on à l?unisson dans une hantise jamais égalée. La contagion se répand telle une traînée de poudre. L?Oranie est désignée zone à hauts risques allant jusqu?à demander à l?OMS d?envoyer ses experts. Plus de peur que de mal. On nous rassure que l?Algérie n?est pas un foyer naturel pour ce fléau. Les statistiques s?arrêtent uniquement à quelques cas d?extrême gravité. Dans son célèbre roman La Peste, Albert Camus, installé dans le grand Oran, prenait une avance consistante sur les médecins, responsables de l?hygiène et autres épidémiologies. «Et (Rieux) savait ce qu'on peut lire dans les livres que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu'il peut rester, pendant des dizaines d'années, endormi dans les meubles et le linge, qu'il attend patiemment dans les chambres, les caves... Et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l'enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse», écrivait-il, il y a plus de quarante ans. Le situation sera par la suite maîtrisée. Quelques semaines plus tard, la peste cédait la palme à une autre maladie moyenâgeuse.