Il y a une année presque à la même période, Oran était terrassée par un autre mal tout aussi fatal que la peste. Atteintes de méningite virale, cinq personnes résidant dans les quartiers pauvres de la ville ont trouvé la mort. Récusant la thèse d'une poussée épidémique, les autorités sanitaires avaient néanmoins admis l'existence, annuellement, d'une moyenne de 2 000 cas de méningite purulente, la forme la plus grave de la maladie, à travers le territoire national. La promiscuité, l'absence d'hygiène ainsi que la précarité des conditions de vie étaient désignées comme les principales causes de la progression de ce fléau. Dans l'un de ses derniers rapports de conjoncture, le Conseil national économique et social (CNES) a évoqué les mêmes raisons pour sonner l'alarme : la misère tue encore en Algérie. Des maladies d'un autre âge que l'on croyait vaincues et disparues en faveur d'une politique sanitaire d'envergure s'accrochent à des poches de pauvreté de plus en plus étendues et prolifèrent à l'ombre d'un discours officiel rassurant, parfois glorifiant. Certes, dans bien des domaines, la population se porte bien. À titre d'illustration, le taux de mortalité infantile est au plus bas. Cependant, il y a des maladies que les campagnes de vaccination sévères et régulières ne suffisent pas à combattre. Face à la paupérisation de la société, au chômage, à la déscolarisation, au regain du phénomène de l'exode rural induit par le terrorisme, aux pénuries d'eau et à leur propre indigence, les autorités sanitaires se trouvent désarmées. Dans la catégorie des maladies à transmission hydrique, la thyphoïde est devenue une endémie. Annuellement, cette maladie est à l'origine de centaines de cas. Dans les campagnes, elle prolifère là où les villageois, privés de réseau d'alimentation en eau potable (AEP), sont contraints de boire l'eau des puits. Dans les villes, la gestion hasardeuse de cette denrée précieuse conduit souvent au désastre. La juxtaposition des réseaux d'assainissement à ceux de l'AEP, le déversement des eaux usées dans les oueds et la grande bleue, la vétusté des réseaux et des stations d'épuration… constituent autant de facteurs aggravants. Outre les MTH, le manque d'eau et sa qualité parfois douteuse ont conduit à la réapparition d'une autre maladie de l'ère coloniale : la tuberculose. Dans les années 1980, suite aux campagnes de dépistage et de vaccination gratuites, la tuberculose était en voie d'éradication. On comptait 25 cas pour 100 000 habitants contre 150 cas à l'indépendance. Dans les années 1990, la flambée du terrorisme avait poussé des milliers de personnes à l'exode. Fuyant la mort, ces exilés de l'intérieur l'ont retrouvée dans les bidonvilles. Le relâchement de la surveillance sanitaire ainsi que la rupture des stocks de traitement ont favorisé la prolifération de cette maladie. Résultat, de 25 cas pour 100 000 habitants dans les années 1980, on est passé à près de 60 cas au milieu des années 1990. Un terrible retour à la case départ ! Dans le cas de la gale et de la rougeole, le constat est malheureusement identique. S. L.