Résumé de la 2e partie La bande des agresseurs nie tout d?abord avoir volé puis, devant l?évidence, avoue. Dans la salle d'audiences, une partie du public applaudit, l'autre hurle, des femmes font des crises de nerfs, des jeunes menacent. Safi, lui, est mort. C'est l'unique fait irrémédiable. L'autre drame, pour la famille de Safi, c'est l'état de sa mère. En apprenant la mort de son fils, elle a eu une attaque cardiaque grave et, depuis, est dans le coma. Une association antiraciste s'élève, par la voix de son président, contre cet acquittement, le qualifiant de verdict scandaleux, de justice à deux vitesses. De permis de tuer. De pression d'extrême droite sur les jurés. D'incitation à l'autodéfense. ? Justice n'est pas rendue, disent les uns, il faut casser le jugement. Cris, hurlements. Rassemblement de jeunes beurs devant le tribunal des assises. Intervention musclée des CRS. C'est le début d'une guerre entre deux communautés. L'avocat général a pourtant dit ce qu'il fallait dire : ? Ce qui a engendré le drame, c'est l'attitude stupide du boulanger et de la victime. À égalité. De même que seul le port du canif de poche est autorisé, de même nul n'a le droit de commenter une décision de justice, sauf s'il y a vice de procédure, ce qui n'est pas le cas. Or, nul ne se prive d'accumuler les armes, comme nul ne se prive de commenter les décisions de justice. La polémique est devenue une sorte de sport, en France ; il faut absolument polémiquer, que ce soit au café du commerce, dans la rue, dans les journaux partisans, ou chez soi. Elle monte haut, et descend bas, cette polémique. En haut, on reçoit la famille de la victime, comme pour s'excuser du verdict. En bas, dans la rue, on manifeste, comme pour le condamner. On oublie, dans tout cela, la peur ordinaire, simple, d'une citoyenne dont le compagnon a pris l'habitude de protéger sa boulangerie comme un coffre-fort, et les autres de l'attaquer comme tel. On oublie qu'un jury populaire est libre de sa décision, que cette décision n'a pas besoin d'être justifiée, que les débats sont secrets pour cela, et que, dans notre démocratie, c'est ainsi que va la justice. Cahin-caha, certes, comme l'humanité elle-même. Sans plus. On oublie que les petits voyous turbulents, voleurs de croissants ou d'autoradios, ne sont pas forcément basanés. On oublie que les boulangères ne sont pas forcément des madames Rambo avides de vengeance. On oublie qu'un dépressif alcoolique peut répandre la peur et l'angoisse autour de lui. On oublie qu'une bande de fêtards peut se monter toute seule, comme une mayonnaise. On oublie enfin que, lorsque tout cela se rencontre en un lieu précis, à une heure précise, il y a toutes les chances pour qu'une explosion ait lieu. On oublie le calme et la sérénité nécessaires à la justice. Mais on ne peut pas faire disparaître les armes à feu des maisons françaises. On ne peut pas empêcher une bande de fêtards de se conduire mal. On ne peut pas empêcher une femme d'avoir peur, un homme de boire. C'est ainsi que la tragédie d'une boulangère paniquée tirant, comme elle l'a déclaré, en une formule malheureuse, «dans le tas de Maghrébins», a failli devenir une émeute raciale. Chaque tragédie meurtrière a son histoire particulière. Le danger est d'en faire, d'un côté ou de l'autre, une généralité. Rien n'est pire que les généralités; elles mènent tout droit au chaos des armes.