Image Il est 14h 30. Le tribunal d?Alger connaît le même afflux que d?habitude. Toujours ce va-et-vient incessant. Venus assister à une audience, s?informer sur le suivi d?une affaire, retirer un casier judiciaire ou simplement accompagner un ami? les citoyens, venant des quatre coins d?Alger, doivent s?armer de patience devant les lenteurs de la justice. Histoire de passer le temps, certains, des hommes et des femmes, assis à même le sol, finissent par se raconter leur vie et leur expérience avec la justice. «La justice est un cercle vicieux, il suffit d?y mettre les pieds et on y est englouti», lance un sexagénaire à un jeune assis dans l?enceinte du tribunal Abane-Ramdane. Ce citoyen raconte que son affaire de foncier remonte à 1986. «Je suis en conflit avec mon frère pour des terres dans la commune de Bouzaréah qui m?appartiennent par héritage, mais que je n?ai pas pu encore récupérer en raison des lenteurs de l?appareil judiciaire», explique-t-il. Ce dernier confie qu?il ne reviendra plus au tribunal, mais compte recourir à la presse dans l?espoir de voir un jour le bout du tunnel. Des histoires comme celle-ci, il en existe par milliers dans les tribunaux, il suffit de demander à quelqu?un la raison de sa présence et il se met, immédiatement, à raconter ses déboires avec la justice. Ignorance parfois, mauvaise expérience, manque de communication ou scepticisme envers l?appareil judiciaire, plusieurs citoyens rencontrés sont unanimes : «La réforme de la justice on n?en n?a jamais entendu parler.» Les plus avertis pensent que «la réforme est un leurre». C?est le cas de cette dame qui trouve aberrant de parler de réforme de la justice alors que le seul changement apparent se limite aux facilités accordées pour le retrait du casier judiciaire. «Il est vrai que c?est plus facile pour le citoyen de retirer aujourd?hui son casier judiciaire dans n?importe quel tribunal en raison de l?informatisation, alors qu?auparavant il parcourait des kilomètres pour le retrait de ce document. Cependant, la réforme ne se limite pas à cela, mais consiste à redonner confiance au citoyen en la justice», estime-t-elle. De son côté, un autre citoyen explique : «Je ne crois pas qu?il est encore possible de parler de résultats concrets sur le terrain de la réforme lorsque la justice n?est pas encore indépendante à travers la responsabilisation du juge, d?une part, et sa subordination exclusive à la loi, d?autre part, sans oublier la possibilité pour les citoyens d?avoir un accès égal à la justice.»