Résumé de la 2e partie Six mois après les faits, l?enquête est terminée. Hervé, qui a avoué, est inculpé d?assassinat, d?enlèvement, de vol et d?association de malfaiteurs. Les accusés ont été placés dans deux parties rigoureusement séparées du box. D'un côté les Bretons, avec la veuve de l'entrepreneur et les deux hommes de main de son mari ; de l'autre côté, Jean-Claude et les tueurs qu'il a recrutés. Les pièces à conviction déposées non loin d'eux ? fusil d'assaut, fusil à pompe, carabine de chasse, armes de poing ? disent assez la nature très particulière de cette affaire. Sentant que, vu les circonstances, la situation peut dégénérer à chaque instant, le président annonce très fermement qu'il ne tolérera aucun débordement. Toute la matinée est occupée par le tirage au sort des jurés, l'appel des témoins et la lecture de l'acte d'accusation, qui ne dure pas moins de deux heures. L'audience de l'après-midi reprend par les interrogatoires d'identité. Ensuite seulement, les débats peuvent véritablement commencer. Ils débutent par une offensive en règle des avocats, qui réclament la remise en liberté de leurs clients. Le défenseur de la veuve de Gilles s'exprime le premier : «Elle n'a jamais été incarcérée. Aujourd'hui, elle dirige l'entreprise de son mari, tué dans cette fusillade. Avec quarante-cinq salariés, elle ne peut se permettre une interruption d'activité pendant ce procès.» Les autres avocats vont dans le même sens, trouvant chacun des arguments pour leurs clients respectifs. L'avocat général parle à son tour. Après avoir rappelé que la mort de deux personnes et l'enlèvement d'une enfant de douze ans ne sont pas des faits mineurs, il conclut : «Lorsque les prévenus entendront mes réquisitions, je crains qu'ils n'aient envie de s'enfuir. Je n'ai pas l'intention de réclamer des peines d'emprisonnement avec sursis.» La défense s'indigne. Quel est ce procès où l'accusation a prévu les peines avant d'avoir entendu les débats ? Mais le président tranche en faveur de l'avocat général : «Les accusés resteront en prison.» Avec la seconde journée, on entre dans le vif du sujet. Et, dans le public, on a sans doute hâte d'avoir la réponse à cette question : comment deux chefs d'entreprise, jusque-là honorables et sans histoire, en sont-ils venus à se comporter comme les derniers des gangsters ?... C'est la veuve de Gilles qui s'exprime la première. Et c'est sans doute d'elle qu'on attend le plus de lumière, car c'est son mari qui, en enlevant la fille de son débiteur, a, comme disent les enfants, «commencé». Quarante-deux ans, petite, l'air énergique, les cheveux très bruns coupés court, habillée d'un tailleur bleu marine assez simple, la veuve de l'industriel breton écoute sans sourciller le portrait que dressent les experts psychiatres. Hervé, l'homme de main de son mari, avait dit, lors de l'instruction : «Dans le couple, c'est elle qui porte la culotte.» Les spécialistes ne démentent pas ce jugement. Elle n'est pas indifférente, mais elle contrôle parfaitement ses émotions... C'est une femme d'une forte personnalité, une femme de tête, d'un tempérament réservé, mais volontaire. La veuve répond ensuite, d'une voix ferme, aux questions du président, qui lui fait retracer son existence depuis ses débuts. D'origine très modeste, fille de petits agriculteurs, elle est orpheline très tôt et elle se retrouve ouvrière à seize ans pour assurer sa subsistance. Mais elle est aussi douée que volontaire et gravit rapidement les échelons. Son employeur de l'époque est particulièrement élogieux. Elle était appréciée des ouvrières. Elle avait de l'autorité naturelle. Les cadres et la direction l'appréciaient pour ses compétences et son intelligence. Avec les fournisseurs, elle était très professionnelle. Toutes ces qualités sont de nature à l'inciter à créer sa propre entreprise, ce qu'elle fait en compagnie de son mari, d'aussi modeste origine qu'elle, en avril 1985. (à suivre...)