InfoSoir : Quelles sont les causes de la délinquance à Oran ? Mlle Mokadem : Actuellement, la cellule familiale s?est disloquée et il n?y a plus de stabilité sociale. Nos jeunes grandissent dans un environnement social, culturel et affectif déséquilibré. Je préfère plutôt l?appellation de jeunes en difficulté relationnelle, car ils souffrent de l?absence des parents. Ces derniers sont souvent débordés par leurs problèmes, ils omettent ainsi la prise en charge de leur enfant, de sa socialisation. Le père, qui incarne en principe l?autorité et la discipline (non la violence) et la mère qui symbolise la protection et l?assurance, n?assument plus leurs tâches. Le gosse ne se sent plus en sécurité et semble sans famille, il est ainsi livré à lui-même. D?ailleurs, 90 % des cas que nous traitons sont dus à l?absence parentale. Comment ça ? Les jeunes que nous recevons vivent souvent des disputes incessantes entre les parents et les divorces mal gérés. La mère, à qui revient la garde généralement, ne peut assumer seule cette mission, ses moyens sont souvent dérisoires, ses parents ne l?aident pas alors que l?ex-mari refuse d?endosser cette responsabilité. Ce sont des cas que nous traitons quotidiennement. Certains parents divorcés sont même arrivés à demander le placement de leurs enfants dans des centres de prise en charge. Je souligne aussi que la plupart des délinquants sont issus de milieux défavorables. Quelles sont les missions de votre centre ? Les enfants que nous recevons sont placés ici par le juge, ils sont mis en liberté provisoire ou surveillée, ce sont de petits délinquants. Nous assurons leur réinsertion (formations, excursions ?). En avez-vous les moyens ? Non. Nous n?avons pas l?appui moral et financier. Nous ne possédons pas de véhicule, nous travaillons sans téléphone, sans micro-ordinateur. Nous sommes huit éducateurs et une psychologue, ce qui est insuffisant pour une métropole comme Oran, deuxième capitale du pays ! L?Algérie n?a pas de centre d?accueil, souvent les enfants en danger moral (qui n?ont commis aucun délit) sont placés avec des délinquants. Les enfants les côtoient. Nous assurons ainsi l?apprentissage de la délinquance ! Les parents ne jouent pas leur rôle, ils abandonnent leurs gosses ici et n?assurent pas leur suivi. Mon expérience me permet de dire que le suivi familial stimule les enfants et les aide à retrouver une vie normale. Nous ne pouvons pas remplacer la famille. (*) Psychologue et responsable du bureau de la réinsertion sociale des jeunes en milieux ouverts d?Oran depuis 1993 et titulaire d?un magistère en psycho-clinique.