Et chacun s?envola de son côté ! D?ailleurs ils ne tardèrent guère à revenir : le roi des djinns portant la princesse et la reine djinn Badr-Eddine. Ils posèrent, l?un près de l?autre, les jeunes gens profondément endormis, puis se mirent à les comparer : «Regarde, dit Djinnia, comme ses cheveux sont plus clairs et plus brillants que le soleil levant !» «Vois, répliqua le roi, comme sa chevelure est plus noire que la nuit de tous les temps !» «Admire, insista la reine, ses cheveux sont aussi clairs que le miel, son teint est plus éblouissant que la lune en plein ciel !» «Regarde cette peau laiteuse et ces joues vermeilles, regarde bien cette bouche, c?est une pure merveille !», s?exclama le roi. Le ton monta entre les époux. La reine tira par la manche son mari et lui chuchota : «Allons dehors continuer notre discussion, nous risquons de les réveiller.» Ils sortirent sur la terrasse et la dispute se raviva. Par la porte qu?ils avaient laissée ouverte, un gros moustique entra. D?abord, il piqua le prince qui se réveilla. Quand il ouvrit les yeux et vit la belle inconnue couchée près de lui, il fut aussitôt frappé par tant de beauté et en tomba éperdument amoureux. Il enleva la bague de la princesse et mit la sienne à la place. Puis, par la magie des djinns, il se rendormit. Le moustique piqua la princesse qui, à son tour, se réveilla et aperçut Badr-Eddine endormi. Croyant rêver, elle se retourna en murmurant : «Sois maudit Satan !», avant de se rendormir. Le roi des djinns finit par comprendre que sa femme était jalouse ; alors il lui dit en riant : «Quand je dis que la princesse de Chine est belle, c?est ma bouche qui parle, n?est-ce pas ? Consulte à présent mon c?ur !» Alors Djinnia se mit bien en face de son mari et demanda : «Pour toi, c?ur du roi des djinns, quelle est la femme qui me dépasse en grâce et en beauté ?» «Pour moi, la reine des djinns a été, est et sera toujours la plus belle !», répondit le c?ur du roi. Djinnia se jeta dans les bras de son mari et lui dit : «Allons vite ramener ces jeunes gens chacun dans son pays !» Quand la princesse, au petit matin, ouvrit les yeux, elle constata que malheureusement ce beau jeune homme appartenait au royaume des songes. Aussi décida-t-elle de dormir nuit et jour, dans l?espoir fou de le revoir ne serait-ce qu?en rêve. Quand Badr-Eddine se réveilla le matin, il crut d?abord avoir rêvé. Mais, ensuite, il aperçut la bague de la princesse à son doigt. Alors une vague de bonheur l?envahit car il venait de comprendre que le seul but de sa vie serait, désormais, de retrouver la jeune fille qui avait dormi cette nuit à ses côtés. Il referma donc ses livres, les rangea soigneusement puis se rendit chez le roi. «Père, dit Badr-Eddine, je dois aller chercher, je ne sais où, une femme qui m?est apparue hier en rêve et qui, depuis, me hante. Je n?aurai de repos que lorsque je l?aurai retrouvée !» Le père répondit simplement : «Prends le cheval d?Eclair et de tonnerre et ce sabre d?argent !» «Merci père, murmura Badr-Eddine, j?en prendrai grand soin.» «Non, répliqua le roi, les sachant enchantés, ce sont le cheval et le sabre qui prendront soin de toi !» Le prince sauta sur le dos d?Eclair et de tonnerre, le chevaucha un instant et revint une fleur à la main. il embrassa sa mère en lui disant : «Je te laisse cette branche de lys : tant que ses fleurs seront aussi blanches et que leur parfum sera aussi envoûtant, sois certaine que ton fils sera bien portant. Si au contraire tu les vois jaunir, dis-toi alors sur l?heure qu?il m?est arrivé malheur. Mais si jamais la fleur se fane et perd son parfum enivrant, alors mère pleure ton unique enfant !» Le prince prit son sabre, siffla ses chiens et partit sur le cheval d?Eclair et de tonnerre. Ce qu?il n?avait pas dit à sa mère, c?était qu?une fois à cheval, celui-ci s?était mis à lui parler et même à le conseiller ; c?était évidemment lui qui lui avait donné ce lys en lui disant : «Approche de ton oreille la bague de la princesse et tu entendras sa voix qui te guidera vers elle.» Le prince obéit et entendit aussitôt une voix d?ange qui répétait comme dans un rêve : «Si tu es amoureux, fils d?amoureux, Badr-Eddine. Rejoins-moi, jusque dans l?empire de Chine !» (à suivre...)