Il était une fois, un roi, bien qu?il n?y ait de roi que Dieu, un roi, dis-je, qui était immensément riche ! Pourtant, il se sentait plus malheureux que les plus pauvres parce qu?il était désespéré de ne pas avoir d?héritier. Une nuit, la tempête s?abattit sur son royaume. Le ciel était déchiré par les éclairs, le tonnerre grondait et la neige tombait silencieusement. On entendit soudain frapper à la porte du palais. Il faisait si froid et le vent soufflait si fort que les serviteurs, bien au chaud dans leur lit firent la sourde oreille. Une voix couvrant le bruit de l?orage disait : «O croyants, ô hommes de Dieu !» puis reprenait plus fort, «Faites offrande à la mémoire de vos parents !», répétait en vain un mendiant. Ses appels finirent par être entendus par le roi qui alla lui-même lui ouvrir la porte : «Entrez, hôte de Dieu, séchez-vous près du feu», dit Sa Majesté au mendiant puis se retourna vers ses serviteurs honteux : «Servez-lui à manger et à boire et donnez-lui surtout un aussi bon lit que le vôtre !» Le lendemain matin, le roi reçut la visite du mendiant qui lui dit : «Je suis venu vous remercier de votre hospitalité» et il lui tendit une pomme en expliquant : «Que votre noble épouse mange cette pomme, mais, au préalable, épluchez-la avec ce khandjar. Donnez ensuite les épluchures du fruit à votre jument préférée. La reine sera bientôt enceinte et la jument vous donnera un bel étalon ! Gardez précieusement ce poignard qui grandira avec votre héritier et deviendra bientôt un sabre d?argent. Le jour où le prince, que Dieu lui prête longue vie, voudra voler de ses propres ailes, alors vous lui donnerez, Majesté, le sabre et l?étalon !» Et sans attendre la réponse du roi, le mendiant disparut dans un épais nuage de fumée. Sur l?heure, le roi éplucha la pomme et l?offrit à sa femme, puis donna les épluchures à sa jument Eclair, ensuite il cacha soigneusement le poignard dans un coffre. Neuf mois plus tard, la reine mit au monde un garçon qu?on appela Badr-Eddine. Jamais on ne vit enfant plus beau Il était blanc comme neige, ses yeux étaient d?un bleu limpide, ses cheveux fins étaient plus dorés que le maïs. Le roi passait des heures à admirer le bébé, c?était pour lui une source de délices ! Par une nuit de grand vent, Eclair, la pouliche, mit bas et quelques heures après, succomba. Le roi, qui l?aimait, la pleura et nomma son petit «d?Eclair de tonnerre» d?une part en souvenir de la jument morte et d?autre part parce qu?il tonnait affreusement cette nuit-là. Les jours, les mois et même les années s?envolèrent sans que l?on sut où et comment ils s?en allèrent? Badr-Eddine grandit et devint un homme aussi beau qu?accompli. Il passait le plus clair de son temps dans la tour du palais où il avait installé son observatoire car il était passionné d?astronomie. Une nuit, il travailla très tard, et finit par s?endormir au milieu de ses livres. Dinnia, reine de Djinns, passant par là, vit de la lumière. Curieuse, elle s?en approcha et aperçut alors le prince allongé et si beau dans son sommeil qu?elle en fut fascinée. Elle resta longtemps auprès du jeune homme à méditer sur l?immense bonté de Dieu qui se plaît parfois à parer un humain de tant de grâce et de beauté ! Elle en avait presque oublié le temps qui passait puis, se ressaisissant, reprit son envol vers le royaume des djinns où le roi l?attendait inquiet. «Où étais-tu ? Il est bien tard !», lui demanda-t-il dès qu?il l?aperçut. «J'étais, dit Djinnia, dans un pays lointain qu?on nomme Algérie et j?y ai vu le plus beau des princes que Dieu ait pu créer !» «Moi aussi, je reviens à l?instant de l?empire de Chine où je viens d?y voir une princesse si belle, si fine qu?on ne peut la regarder sans rendre grâce à celui qui l?a créée !», répondait le roi rêveur. La reine, jalouse, répliqua vivement : «La beauté de mon prince est à nulle autre pareille !». Le roi, les yeux mi-clos, fit semblant d?être rêveur. La reine, sentant le poignard de la jalousie lui transpercer le c?ur, s?emporta et dit : «Comparons ces jeunes gens ! Repars en Chine et ramène la princesse. Moi je retourne dans la tour, à l?instant même, chercher mon prince charmant !» (à suivre...)