Il se souvient de son histoire comme si cela datait d?hier. Ammi Madjid, 53 ans, le visage un peu ridé, moustache grisonnante, se rappelle que quand il avait les jambes assez solides, il attendait patiemment l?été pour aller, en compagnie de quelques amis de Bab El-Oued, son quartier d?enfance, faire les vendanges dans le sud de l?Espagne. «Nous faisions la traversée Oran-Alicante-Oran et nous avons tout le temps sacrifié nos vacances pour nous adonner au périlleux travail de la cueillette de l?aube et quelquefois jusqu?au coucher du soleil. C?était un travail très pénible pour quelques pesetas. Il était inconcevable de penser aux vacances même si on était dans un pays à vocation touristique comme l?Espagne», se souvient-il, lui qui réapprend, à l?âge de la retraite, à goûter aux plaisirs de vraies vacances, en faisant de petites descentes à Padovani, la plage de ses 12 ans. De l?Espagne, ammi Madjid ne retient que quelques bribes de souvenirs tant ses vingt jours prêtés aux Espagnols n?étaient que sueur, labeur, un repas pour se refaire une santé et de petites virées, la nuit tombante, dans les boîtes de nuit. Un sombrero mexicain sur la tête, il avait alors l?air d?un touriste promu aux travaux forcés. «J?avais un sombrero toute la journée et cela m'évitait les insolations. Je le prenais avec moi toutes les fois que je mettais les pieds en Espagne. D?ailleurs, je le garde, à la maison, comme un splendide souvenir.»