Saison n L'été est synonyme d'évasion, de joie, d'insouciance, de vie et d'escapades pour beaucoup. C'est la période où on n'hésite pas à se faire un coucou. En effet, la ville s'illumine et devient une ruche bruyante où s'entrechoquent la joie et la bonne humeur. Les places publiques deviennent le réceptacle de bandes joyeuses qui, insouciantes, croquent la vie à belles dents. Chaque signe, regard ou geste devient prétexte à une discussion parfois enflammée qui peut s'étirer en longueur ou déclencher une amitié qui résistera aux aléas de la séparation, de l'éloignement et même du temps. La joie, la musique et la plaisanterie deviennent les signaux de ralliement de la foule composée de femmes, d'enfants et d'hommes au teint halé et à la «bouille» lumineuse. La mer, qui enserre Oran, embrasse du regard les unions qui se forment. Ses eaux, couleur bleu azur, limpides et calmes, que caresse de ses rayons le soleil estival, favorisent les rencontres. Sur les plages, on se laisse aller à la discussion, on échange un bonjour, un rafraîchissement, avant de se donner rendez-vous. On parle algérois, kabyle, chaoui, mascaréen, français, anglais ou arabe oriental. On parle parfois sans s'écouter, mais on parle quand même pour séduire l'autre, pour en faire un ami, un confident. Ce «charivari» joyeux fait la grandeur d'Oran, «la mère estivale». A l'entrée des immeubles, dans les quartiers populaires comme El-Hamri, Sidi Lahouari, Ibn Sina, Les Planteurs ou encore Eckmühl, les jeunes fuient, le soir, la fournaise de l'appartement pour s'agglutiner sous la lumière blafarde d'un lampadaire. Ils accueillent à bras ouverts l'invité du voisin qu'ils associent à la discussion, aux jeux et qui devient parfois même le boute-en-train du groupe ou la victime de toutes les plaisanteries. Les jeunes Oranais préfèrent que cet invité, venu passer ses vacances dans leur ville, soit originaire de l'Est, du Sud, du Centre ou encore émigré. «C'est pour changer de décor», se plaisent-ils à dire. L'été, le soleil, l'insouciance.? Ces conciliabules où le geste est roi sont parfois chahutés par les sérénades enflammées chantées en sourdine sous les balcons de certains immeubles. On crie, on hèle. Quelquefois, des bouteilles en plastique remplies d'eau sont lancées des balcons pour calmer les jeunes voisins qui veillent très tard. Sur les plages, des groupes se forment par affinités. Des femmes se racontent les tracas du quotidien, échangent des recettes, des anecdotes. On parle de tout et de rien. On débat de sport, de politique, du coût de la vie, des enfants qui barbotent dans l'eau ou qui s'acharnent à vouloir garder debout un château de sable s'écroulant à la moindre pelletée. Les «mioches», qui étaient d'habitude grincheux, teigneux, deviennent doux, aimables et affables l'été. Insupportables, ils deviennent des bouts de chou prêts à partager, à servir et à se lier d'amitié avec l'autre. Ils fendent les vagues dans un brouhaha qui couvre le ressac. Ils s'ébattent dans l'eau sous le regard parfois réprobateur des parents. Ils plongent et replongent sans cesse jusqu'à n'en plus pouvoir. L'été, c'est la saison des liaisons éphémères et des amitiés désintéressées.