Attente n Alors que les troupes folkloriques chauffent la place de la Solidarité, les habitants du bidonville, cité Mokrane, étouffent dans les odeurs que dégage l?oued Chlef et rêvent de réconciliation nationale. Vu du haut du pont, il ressemble à un champignon sauvage qui a poussé au bord de l?oued Chlef. A l?intérieur, les ruelles étroites et nues, les constructions sont en parpaing. Les odeurs que dégage l?oued agressent les narines, partout des ordures et des moustiques. Les canalisations éventrées déversent leur contenu dans l?oued. 77 familles vivent ici. Les enfants à demi-nus, jouent au milieu des poules. En face, adossés à un mur, des jeunes fument des joints. L?endroit est dangereux, les agressions sont nombreuses, les paraboles sont tournées vers le rêve. «On a écrit au Chef du gouvernement pour qu?il intervienne en notre faveur. il nous a répondu que le problème est du ressort de la wilaya», dira Mohamed Bared, qui habite la cité depuis 17 ans. Mais le wali et le P/APC n?ont pas voulu prendre en charge notre problème, précise-t-il. Et à chacun de donner son avis. «J?habite ici, car je n?arrive plus à payer de loyer en ville», dira une vieille dame. Tout manque. L?eau arrive tous les 15 jours, et l?éclairage public est inexistant. La drogue et le chômage font partie de l?univers de cette cité. «A partir de 20 h, on ne sort plus, les jeunes drogués deviennent des agresseurs, pour s?offrir leur dose», dira un adulte. Même ceux qui travaillent ne s?en sortent pas. Kamel travaille à la mairie, il touche 8 000 DA. Il a toute sa famille à sa charge . «Je ne sais plus quoi faire», dira-t-il. Les habitants de ce bidonville se sont installés clandestinement depuis l?avènement du terrorisme. Ils avaient fui leurs douars : Tadjena, M?zerrara et autres. «J?ai acheté cette baraque au prix fort, pour protéger ma famille», expliquera Belaïdi. La réconciliation ? Ces habitants, malgré leur situation, leur misère, y croient fermement. Mohamed Bared témoigne : «On a vécu le pire. Les terroristes avaient l?habitude de traverser l?oued la nuit. On dormait la peur au ventre.» «Nos maisons ne sont pas sûres. On craignait pour nos vies», dira une vieille, qui se dit soulagée par la réconciliation. Belaïd, universitaire, est garçon du seul café faisant face à la Cité Mokrane, il souligne : «J?entends souvent les gens parler de la réconciliation. Je crois que personne n?a réellement compris ce que cela veut dire», car la plupart sont ignorants, selon lui. Djillali, son voisin, propriétaire d?un garage de vulcanisation, déclare : «C?est une bonne chose pour le pays.» Chlef porte ce bidonville comme un fardeau. Les habitants jettent leur dévolu sur la réconciliation et espèrent des lendemains meilleurs. Tous vers le stade l Ce matin, tout les Asnamiens convergent vers le complexe sportif. Des centaines de bus venus des wilayas alentour arrivent, brandissant des banderoles et scandant des slogans favorables à la réconciliation. Un air de fête s?est emparé tôt ce matin de la ville. Les policiers tentent, tant bien que mal, de gérer la situation. A 9 h, le stade est plein. Les cavaliers traversent les rues, suivis de troupes folkloriques. Les enfants courent les saluent. «On est ici depuis deux jours, pour préparer cet événement», dira un habitant de Aïn Boucif, localité située dans la wilaya de Médéa. Il faut dire que la plupart des gens venus soutenir le président dans sa politique de réconciliation sont ceux qui ont été touchés de près par le fléau du terrorisme. Les habitants des six zones enclavées entre l?Ouarsenis et le Dahra délivrent un seul message : plus jamais ça. C?est avec espoir qu?ils se rendent vers Chlef, pour conjurer le sort. Les autorités, pour leur part, ont déployé les grands moyens pour réussir le passage du président. La particularité de cette étape est que la majorité des points que devrait visiter le président se situent en ville. Les habitants auront aussi l?occasion d?applaudir et de voir leur président. Selon des sources sur place, des patriotes venus de Relizane et d?autres wilayas seront présents. Les repentis seront de la partie.