Farida, Amina, Hassan et Mehdi ont entre 18 et 24 ans. Ils sont étudiants, «hitistes» et se voient, pour la première fois, donner la parole par un groupe de chercheurs en anthropologie de la santé à l'université d'Oran qui a finalisé une enquête en 2005. Ce qu'ils ont à dire est important, car ils sont représentatifs d'une catégorie importante de la société. Une enquête réalisée par un groupe de recherche en anthropologie de la santé à l?université d?Oran, finalisée en 2005, donne, pour la première fois, la parole à de jeunes chômeurs, étudiants ou «hitistes», des Algériens ordinaires. Ils racontent leur quotidien, évoquent ce vide qui les engloutit, la rue qui les arrache à leur enfance et leur ouvre les portes de la délinquance. Ils évoquent la corvée de l?école, le diplôme ou «le papier» d?une université «sans âme», ce dés?uvrement qui tue, le malaise social, l?oubli des autres et l?absence de communication au sein de la famille ainsi que des structures spécialisées de prise en charge. Ils retracent leur vie, leurs souffrances, leurs blessures, la pénible tâche de vivre tous les jours, de survivre plutôt pour des lendemains incertains, des matins sans soleil? Les écouter, c?est comprendre que nous ne savons rien de leur existence, de leurs blessures, de leur douleur? «Ne rien faire» c?est l?équivalent de «n?être rien» dans une société matérielle. Ils le savent, ils le disent même. Souvent, ces jeunes s?enferment dans des espaces socialement promis : la rue et le café, les autres champs leur sont fermés, interdits pour des raisons financières et culturelles. Ils expliquent que ceux qui tiennent les murs (hitistes) n?ont même pas de statut : il y a le mur du chômeur, de l?étudiant? «Personne ne nous soutient seul le mur le fait.» «On dirait que c?est écrit sur notre front : individu dangereux, à ne pas aider, à ne pas écouter.» «Je me suis senti très mal d?une part en voyant des jeunes bien habillés aller à l?école, d?autre part, je les enviais, je ressentais pour la première fois une jalousie.» «Qu?est-ce que la famille? je ne sais pas !» Effroyables vérités sorties de la bouche de ces jeunes qui font leurs premiers pas dans la vie? C?est terrible de grandir et de découvrir la société et les autres. Ne faudrait-il pas penser un jour à prendre en considération ces témoignages et essayer de trouver des solutions réalistes et concrètes ?