Vieux? mais aussi vieilles ? se retrouvent quotidiennement dans ce lieu pour deviser tranquillement s?épanchant, confiant leurs soucis et replongeant dans leurs souvenirs. Le poids des années est ainsi moins lourd à porter, l?ingratitude des enfants moins cruelle. «J?ai 3 fils âgés respectivement de 27, 33 et 37 ans, tous célibataires et sans emploi. Ils ne sont jamais rentrés à la maison avec, au moins, un sachet de lait. C?est grâce à ma retraite qu?ils survivent. C?est malheureux ! J?ai honte à leur place !» C?est par ces mots que Mohand, un ancien émigré de 77 ans, a qualifié sa situation. Il n?est pas le seul à penser que les enfants dépendent entièrement de leurs parents. Beaucoup de retraités pensent qu?ils sont la dernière chance pour la nouvelle génération. D?autres, plus aisés, bien entendu, n?ont pas ce souci. «Grâce à Dieu, j?ai pu amasser une grosse somme d?argent quand j?étais en France et aujourd?hui , mes quatre enfants ont, chacun, un commerce, mais c?est évidemment grâce à moi qu?ils sont à l?aise aujourd?hui», raconte Mokrane, 69 ans, qui a passé plus de 36 ans en France où il était employé chez Renault. Les retraités de la place Nelson vivent une époque qui leur est inconnue. «Beaucoup de choses ont changé. A notre époque nos pères restaient à la maison, puisqu?ils avaient confiance en nous. C?est à 15 ans que nous avons commencé à travailler. Le travail était sacré pour nous et nous avons toujours témoigné de la reconnaissance à nos parents. On était capable d?effectuer toutes sortes de travaux : agriculteur, serveur dans un café, ouvrier dans un atelier, docker, balayeur? Aujourd?hui, la nouvelle génération ne cherche que le gain facile. Des jeunes sans aucun diplôme ni métier préfèrent crever de faim plutôt que de travailler. J?ai peur pour leur avenir !», confie Slimane, 71 ans, ex-receveur de la RSTA. Hamou, un élégant sexagénaire, a voulu, quant à lui, raconter son histoire. «Mes trois enfants sont tous à l?étranger. J?ai fait tout mon possible pour les éduquer et, Dieu merci, ils sont tous universitaires, mais, en 1986, ils se sont débrouillés pour se procurer des visas. Aujourd?hui, ils sont tous en Allemagne. Au début ils m?envoyaient un peu d?argent, mais depuis une dizaine d?années, aucun n?a pris la peine de me téléphoner ou de m?écrire. Je n?arrive pas à comprendre ce comportement. Leur mère est diabétique et malheureuse à cause de cette attitude indigne», se plaint-il.