En cette année 1955, Georges Verbecke vient d'avoir cinquante ans. Au soir de son anniversaire, ses amis partis, il se retrouve seul et se regarde dans la glace. L'image que lui renvoie son miroir est le visage d'un homme fatigué. Trente ans de trafic l'ont épuisé. Après avoir débuté dans la cigarette américaine, il s'est livré au trafic des voitures volées, puis à celui des faux tissus anglais ; enfin, depuis cinq ans, il s'est spécialisé dans le recel et la vente de bijoux volés. Trente ans de peur, d'angoisse, de ruses, de planques, de dissimulation, pour arriver à quoi ? A peine 60 000 francs français d'économie. Mais ça va changer. Pour fêter dignement ses cinquante ans, Georges Verbecke a décidé de consacrer intégralement cette somme au coup unique qui va faire de lui un homme à l'abri du besoin pour le restant de ses jours ; il va voler les diamants de celui que tous les diamantaires appellent le maître : David Lebovski. Dès le lendemain de cette décision importante, la première des choses étant de bien connaître ses habitudes, Georges Verbecke s'attache aux pas de maître David et, tout de suite, il se rend compte que ça ne va pas aller tout seul : le diamantaire est un homme méfiant. A chaque coin de rue, il se retourne pour regarder derrière lui comme s'il craignait d'être suivi et Georges est obligé de se déguiser pour ne pas attirer l'attention. Tour à tour, il devient chauffeur livreur, ouvrier plombier, garçon de recette, employé du gaz et même bonne s?ur... Verbecke est un homme consciencieux. Il sait que la moindre faille serait fatale. Il ne doit rien laisser au hasard. Les trois premières semaines sont consacrées intégralement à noter les habitudes de maître David. Etant donné la régularité de la vie du personnage, cela s'avère assez facile. Chaque matin, le diamantaire quitte son domicile à 7h 45. A 8h 30, il ouvre lui-même ses bureaux, qu'il referme le soir à 18h 30, lorsque tout le monde est parti. Il est le seul à posséder les clefs, le ménage étant fait chaque soir en sa présence avant son départ. La première surprise de Verbecke est de constater que la porte de maître David est très mal défendue. Mis à part son classique verrou de sûreté, elle ne possède pas de signal d'alarme. La raison de cette défaillance est toute simple : le diamantaire ne conserve pas sa marchandise à domicile. Il la confie au coffre d'une banque. La déception de Georges est immense. A quoi lui sert, à présent, de savoir que maître David Lebovski est d'une méfiance maladive, qu'il a un faible pour le bourbon et qu'il est d'une pingrerie à toute épreuve ? Un instant, il songe à abandonner cette piste. Enfin, il découvre le défaut de la cuirasse de l'illustre marchand. Tous les mois, celui-ci prend l'avion et fait un aller - retour en HoIlande afin de renouveler son fameux stock de diamants bleus. Une indiscrétion d'une employée lui permet même de savoir que chaque fois il rapporte des pierres dont la valeur varie entre trois et quatre millions de francs actuels. Or quand il rentre le samedi après-midi, les banques sont fermées et maître David est obligé de confier ses pierres à son bon vieux coffre-fort : un antique modèle d'avant-guerre. Cette bonne nouvelle remplit Verbecke de joie. Le samedi en question arrive, mais il a vite fait de déchanter en constatant que le diamantaire demande à son neveu, qui travaille avec lui, de rester au bureau et, mieux, d'y passer la nuit. C'est le comble ! Georges manque d'exploser de dépit. Et puis ce dépit se transforme en rage et cette rage en défi. Au risque de mettre un point final à sa coupable profession, il met un point d'honneur à réussir «l'exploit» qui sera le couronnement de sa carrière. (à suivre...)