Expérience n Le nombre de plus en plus important de joueurs de confession musulmane dans le football professionnel a fait avancer les mentalités vis-à-vis du mois sacré du ramadan. Dans sa dernière livraison, le bihebdomadaire et auguste France Football a consacré un petit dossier au jeûne des joueurs de confession musulmane dans le championnat professionnel de Ligue 2 en France où près de 90 joueurs observent le ramadan parmi les 4 à 5 millions de musulmans que compte l?Hexagone. De prime abord, on constate que les mentalités ont tendance à changer dans le foot français concernant le comportement des uns et des autres vis-à-vis du jeûne. Hier seulement, jeûner pour un joueur était un problème et souvent un sujet de discorde entre celui-ci et son staff technique, voire la direction de son club. Qui ne se souvient pas du cas Saïfi, par exemple, et des relations tumultueuses qu?il avait à Troyes avec son entraîneur de l?époque Alain Perrin. Ce dernier avait même ramené un imam au club pour élucider cette situation et essayer d?expliquer aux joueurs que la religion était contre le fait de se laisser aller sur le plan de la santé lorsqu?on est joueur professionnel de football. Depuis longtemps, évoquer ce sujet relevait pratiquement du tabou, notamment de la part des clubs employeurs qui préféraient ne pas s?attarder sur la question histoire de ne pas passionner les débats et toucher à certaines sensibilités. Ce qui fait que beaucoup de joueurs observaient le jeûne de manière presque clandestine, soit en cachette, mais souvent se faisaient épinglés par leurs coachs à l?heure des collations ou des repas de midi. La plupart voyaient leur place de titulaire attribuée à d?autres joueurs (non jeûneurs), alors que d?autres, avec l?aide des imams et des conseils du culte, ont fini par trouver un compromis : rompre le jeûne au moins le jour du match pour accomplir son boulot et rattraper cela après. De leur côté, et face à une ferveur de plus en plus importante, les dirigeants de club, notamment le staff technique et médical, ont instauré un dialogue et un débat sérieux, sans langue de bois, autour de cette question. Les médecins, en particulier, ont commencé alors à explorer le sujet, car considérant qu?en dehors de toute considération religieuse, le ramadan n?est pas bon physiologiquement pour des sportifs pratiquant le haut niveau. Les joueurs se disent que c?est dans la tête que ça se passe, les techniciens et les médecins savent, eux, qu?un corps qui jeûne est plus fragilisé qu?un autre et qu?il devient sujet, vers la fin de ce mois particulier, à des bobos telles les lésions musculaires, dès fois insoupçonnées mais détectables par les moyens appropriés. Pour Vincent Detaille, le médecin du FC Lorient, cette période présente effectivement des risques sur le plan médical du fait que les deux heures qui suivent un effort physique poussé obligent les joueurs à bien s?alimenter et s?hydrater car, physiologiquement, le glycogène chute. A force de dialoguer et d?échanger sur ce sujet, des compromis sont vite trouvés. Les entraîneurs ont fini par laisser le choix à leurs joueurs en les responsabilisant sur la conduite à tenir et sur une adaptation intelligente aux exigences de la profession. C?est simple : c?est en fonction de leur état de forme lors des entraînements et des matchs que les techniciens du banc font leur choix. Les joueurs, pour leur part, ne bénéficient pas en général de régime de faveur et s?adaptent à ce mois particulier en accord avec leur club employeur. L?avis des concernés l Ils doivent, comme le dit si bien El-Moutaouakil, le milieu marocain de Châteauroux, assumer leur métier et leur religion. Profitant de la saison et des jours qui s?écourtent, les joueurs musulmans du championnat français, qu?ils soient Maghrébins ou Africains, sont encore plus motivés à pratiquer leur religion que d?habitude. Certains clubs ont même aménagé des lieux de prière pour les joueurs pratiquants dans un total esprit de tolérance et de respect. Tout le monde a pratiquement compris que le ramadan ne se résumait pas à un simple jeûne du matin au soir mais à plus profond que ça, comme ont tenté de l?expliquer les internationaux algériens Mansour Boutabout et Madjid Bougherra à travers ce dossier où l?on est passé du jeûne qui peut au jeûne qui veut grâce au principe d?ouverture sur les autres et sur leurs culture et coutumes. Et c?est cela l?évolution des hommes.