Rebondissement n L'opposition a réussi, hier, au Sénat américain à remettre l'Irak au centre du débat politique, en exigeant un rare débat à huis clos sur une éventuelle «manipulation» du renseignement par l'Administration Bush. Rompant avec tous les usages parlementaires, le chef de file des démocrates Harry Reid a provoqué un coup de théâtre en ordonnant sans crier gare que le Sénat poursuive ses débats à huis clos, une procédure exceptionnelle réservée à des débats touchant à la sécurité nationale, ou à une éventuelle destitution d'un président. Cette «gifle» au pouvoir, selon le chef de la majorité Bill Frist, intervient quatre jours après la démission et l'inculpation de Lewis Libby, le directeur de cabinet du vice-président Dick Cheney impliqué dans une affaire de fuite médiatique visiblement destinée à faire taire un critique de la guerre en Irak. Depuis le début de la semaine, la Maison-Blanche a multiplié les initiatives pour tourner la page de cette affaire: le président George W. Bush a nommé un nouveau juge à la Cour suprême lundi, et a annoncé une stratégie pour faire face à une éventuelle pandémie de grippe aviaire mardi. Mais l'opposition n'a pas voulu évacuer si tôt le débat sur la guerre en Irak, de plus en plus impopulaire alors qu'elle a fait plus de 2 000 morts, «Comment des hauts responsables de l'administration Bush ont-ils manipulé ou fabriqué le renseignement présenté au Congrès ou au peuple américain?», a encore demandé M. Reid. M. Libby est soupçonné d'avoir divulgué l'identité de l'agent de la CIA Valerie Plame pour discréditer son mari Joseph Wilson. Cet ancien ambassadeur s'était publiquement interrogé à l'été 2003 sur de «faux prétextes» qu'aurait invoqués l'administration Bush pour envahir l'Irak trois mois et demi plus tôt, en particulier l'existence d'armes de destruction massive (ADM) restées introuvables. Selon M. Reid, la majorité républicaine a failli à ses responsabilités en ne menant pas d'enquête parlementaire sur une éventuelle manipulation du renseignement par l'administration Bush. Après deux heures de débats et de négociations à huis clos, M. Reid se félicitait que son coup de force ait porté ses fruits. «Le 14 novembre, nous aurons une idée de comment ils vont mener (cette investigation) à bien», expliquait-il.