Résumé de la 32e partie n Au bout de 30 jours de voyage, Boudour et Kamaralzamân arrivèrent dans une prairie qui leur plut tellement qu?ils décidèrent d?y camper pour un jour ou deux. En effet Sett Boudour, à ce moment, était étendue sur le tapis de la tente, la tête posée sur un oreiller de soie écarlate. Elle n'avait sur elle qu'une chemise couleur d'abricot, en gaze fine, ainsi que l'ample caleçon en étoffe de Mossoul. Aussi Kamaralzamân charmé ne put faire autrement que de se rappeler ces vers délicieux du poète : «Quand tu dors sur la pourpre, ta face claire est comme l'aurore et tes yeux tels les deux marins. «Quand ton corps vêtu de narcisses et de roses s'étire debout ou s'allonge délié, ne l'égalerait le palmier qui croît en Arabie. «Quand tes fins cheveux où brûlent les pierreries retombent massifs ou se déploient légers, nulle soie ne vaudrait leur tissu naturel !» Puis il se rappela également ce poème admirable qui acheva de le transporter à la limite de l'extase : «Dormeuse ! L'heure est magnifique où les palmes étalées boivent la clarté. Midi est sans haleine ! Un frelon d'or suce une rose en pâmoison ! Tu rêves. Tu souris ! Ne bouge plus... «Laisse brûler mes yeux ! Mais que mon c?ur s'épanouisse, sous les palmes fortunées, de tout le bienfait de la solitude et de la fraîcheur du silence !» Après s'être récité ces vers, Kamaralzamân se sentit brûler du désir de son épouse endormie, dont il ne pouvait se lasser, de même que le goût frais de l'eau pure est toujours délicieux au palais de l'altéré. Il se pencha donc sur elle quand il sentit un petit corps dur rouler sous ses doigts. Il le retira et vit que c'était une cornaline qui était attachée à un fil de soie. Et Kamaralzamân fut extrêmement étonné et pensa en lui-même : «Si cette cornaline n'avait pas des vertus extraordinaires, et si ce n'était pas un objet cher aux yeux de Boudour, Boudour ne l'aurait point conservée si jalousement et cachée juste à l'endroit le plus précieux de son corps ! C'est pour n'être jamais obligée de s'en séparer ! Sûrement c'est son frère Marzaouân, le magicien, qui a dû lui donner cette pierre pour la préserver du mauvais ?il !» Puis Kamaralzamân fut tenté de mieux examiner la pierre ; il dénoua la soie qui la retenait, la prit et sortit de la tente pour la regarder à la lumière. Et il vit que cette cornaline, taillée sur quatre faces, était gravée de caractères talismaniques et de figures inconnues. Et comme il la tenait à la hauteur de son ?il pour en mieux considérer les détails, un grand oiseau soudain fondit du haut des airs et, dans une volte rapide comme l'éclair, la lui arracha de la main. Puis il alla se poser, un peu plus loin, sur la cime d'un grand arbre et le regarda, immobile et narquois, en tenant au bec le talisman. A cet accident désastreux, la stupeur de Kamaralzamân fut si profonde qu'il ouvrit la bouche et resta quelques instants sans pouvoir bouger ; car devant ses yeux passa toute la douleur dont il voyait déjà Boudour affligée en apprenant la perte d'une chose qui devait sans doute lui être si chère. Aussi Kamaralzamân, revenu de son saisissement, n'hésita pas à prendre sa résolution. Il ramassa donc un caillou et courut vers l'arbre où se tenait perché l'oiseau. Il arriva à la distance nécessaire pour lancer la pierre sur le ravisseur et il levait le bras pour le viser, quand l'oiseau sauta de l'arbre et alla se percher sur un second arbre un peu plus éloigné. Alors, Kamaralzamân se mit à sa poursuite, et l'oiseau doguerpit et alla sur un troisième arbre. Et Kamaralzamân se dit : «Il a dû voir dans ma main la pierre. Je vais la jeter pour lui montrer que je ne veux pas le blesser.» Et il jeta la pierre loin de lui. (à suivre...)