«Une autopsie ! s?écrie M. Boretto. Mais pourquoi ? Ma femme est morte de mort naturelle !» Mais il a beau protester, il ne change rien à l?affaire. De toute façon, on ne lui demande ni son avis ni son autorisation : on ne fait que l?informer, ainsi que l?exige la loi. Le docteur Sanders, lui, n?est même pas informé. L?autopsie achevée, le rapport des médecins légistes atterrit sur le bureau du shérif O?Brien : Mme Boretto n?est pas décédée du cancer du côlon qui la rongeait depuis quelques années, mais d?une embolie. Il est vrai que si cette embolie n?était pas survenue, elle serait immanquablement morte : elle n?avait que quelques jours, peut-être même quelques heures à vivre, mais le fait est là : ce n?est pas le cancer qui a causé le décès, mais l?embolie. Sur cela, il n?y a aucun doute ! Le jour même où le rapport des médecins légistes est remis aux autorités, le shérif O?Brien se présente au bureau du docteur Sanders. En quelques mots, il lui explique de quoi il s?agit. «Mme Boretto était ma patiente, dit-il calmement. Elle avait un cancer qui la faisait souffrir terriblement, au point que, vers la fin, on était obligé de lui injecter des doses massives de morphine pour atténuer la douleur. ? Et vous lui avez fait une piqûre juste avant qu?elle ne meure ? ? Oui, dit le médecin. ? De toute façon, vous l?avez signalé sur la fiche de la patiente.» Le shérif garde un moment le silence puis reprend, visiblement gêné : «Docteur, nous avons des raisons de croire que la mort de la patiente est liée à cette piqûre. Alors, je vous prie de me dire la nature du produit que vous avez injecté à la malade. ? Je ne lui ai injecté aucun produit, dit le médecin. ? Aucun ? s?étonne le shérif. ? Oui, aucun.» Il y a un silence, puis le médecin reprend, toujours calmement : «N?importe quel étudiant en médecine, n?importe quelle infirmière vous dira que lorsqu?on fait une piqûre dans laquelle il n?y a rien, on injecte de l?air, et cet air, en pénétrant dans le système sanguin, provoque une bulle qui, au bout de quelques minutes, provoque à son tour l?arrêt du c?ur. ? C?est ce qu?on appelle une embolie ? demande le shérif, atterré par cet aveu. ? Oui, dit le docteur Sanders, et pour que l?arrêt cardiaque soit rapide, j?ai appuyé à quatre reprises sur le piston de la seringue, insufflant ainsi le plus d?air possible. ? Docteur, dit le shérif, votre déclaration correspond à un aveu? En d?autres mots, vous êtes en train de vous accuser d?un crime? ? J?en suis parfaitement conscient, dit le médecin.» (à suivre...)