Younès Grar, P-DG de Gecos et président de l?Association algérienne des fournisseurs de services Internet, a bien voulu répondre à nos questions. Ecoutons-le. InfoSoir : Comment avez-vous réagi à la décision d?Algérie-Télécom d?augmenter les tarifs du téléphone fixe ? Younès Grar : Cette décision, en tout point de vue, est pour le moins bizarre, elle intervient une année après que les pouvoirs publics eurent procédé à une réduction des tarifs. Rappelez-vous, 3 minutes de téléphone revenaient à 1,30 DA en l?an 2000, l?année suivante, 6 minutes revenaient à 1 DA. En 2003 on décide, sans coup férir, de relever quatre fois les prix. Ce n?est pas normal. Algérie-Télécom s?est référée aux prix pratiqués dans d?autres pays pour justifier l?augmentation? C?est une comparaison faussée, pourquoi ne pas se comparer aux Emirats arabes ou au Canada où le téléphone est gratuit ? Et puis si Algérie-Télécom veut se comparer à France-Télécom, qu?elle compare aussi les charges. Le raisonnement aurait pu tenir la route si l?opérateur algérien s?acquittait des mêmes dépenses que l?opérateur français pour payer son personnel. Un ingénieur de France-Télécom touche 1 500 euros et un chauffeur perçoit 900 euros environ alors que leurs homologues d?Algérie-Télécom, touchent respectivement 20 000 DA et 10 000 DA. Vous attendez-vous à des répercussions sur l?activité Internet et les autres services ? En tant que provider, nous enregistrons déjà une baisse sensible des recettes découlant de la vente des cartes prépayées. La quantité que nous vendions en une semaine, s?épuise maintenant en un mois. Je sais que 3 ISP s?apprêtent à baisser rideau. Cela dit, l?augmentation des tarifs téléphoniques est une décision très dangereuse. On pense que c?est la meilleure manière d?augmenter le chiffre d?affaires, or c?est le contraire qui va arriver. Beaucoup d?entreprises ont commencé à procéder à des restrictions au niveau de leur consommation. Ce qui va, inévitablement, faire chuter les recettes d?AT. Les citoyens ne mesurent pas encore la gravité de la situation. L?augmentation, faut-il le souligner, est de l?ordre de 461 %. Ceux qui payaient 2 000 DA de facture téléphonique devront donc multiplier ce montant par 4, cela donne 8 000 DA, c?est pour beaucoup l?équivalent d?un salaire. Au mois de novembre, lorsque les premières factures seront envoyées aux deux millions d?abonnés, il faudra s?attendre à ce que 200 000 au moins se retrouveront dans l?incapacité de payer et ils demanderont volontiers à résilier leurs lignes. Algérie-Télécom ne pourrait pas traduire, à ce moment-là, en justice un si grand nombre de mauvais payeurs en vue de recouvrer son dû. Les entreprises et les administrations qui avaient coutume de ne pas payer ne vont pas y renoncer. Il faut s?attendre à la faillite de l?opérateur public qui ne sera pas en mesure de combler le manque à gagner. Que pensez-vous du marché des télécommunications ? Normalement AT devrait caracoler en tête ; sous d?autres cieux, c?est l?opérateur historique qui détient l?initiative, or, chez nous, l?opérateur historique donne l?impression de subir tous les aléas du secteur. On ne sait même pas ce qu?il est advenu des 500 000 lignes GSM. On n?en parle plus, et pendant ce temps, Orascom occupe seul le terrain. Et quand AT sera au seuil de la faillite, des voix vont certainement s?élever pour réclamer sa privatisation.