Résumé de la 18e partie n Au cours du troisième festin, ce fut au tour de Rachideddin d?être exécuté sur ordre de Zoumourroud. Le mois suivant, le peuple fut encore rassemblé pour le festin accoutumé, et le roi et les dignitaires prirent place, comme à l'ordinaire, sous le dôme. Et déjà le festin était en train, et Zoumourroud désespérait de jamais retrouver son bien-aimé, et elle faisait en son âme cette prière : «O toi qui as rendu Youssouf à son vieux père Yâcoub, qui as guéri de ses plaies inguérissables le saint Ayoub, accorde-moi dans ta bonté de retrouver moi aussi mon bien-aimé Alischar. Tu es l'Omnipotent, ô Maître de l'univers ! Toi qui mets dans la bonne voie ceux qui sont dans l'égarement, Toi qui écoutes toutes les voix, qui exauces tous les v?ux, et qui fais succéder le jour à la nuit, rends-moi ton esclave Alischar !» A peine Zoumourroud avait-elle formulé intérieurement cette invocation qu'un jeune homme entra par la porte du meïdân, et sa taille flexible ployait comme sous la brise se balance le rameau du saule. Il était beau comme est belle la lumière, mais il paraissait délicat et un peu pâle et fatigué. Il chercha partout une place où s'asseoir et ne trouva libre que l'endroit autour du plateau de riz à la crème en question. Il vint y prendre place et de tous côtés le suivaient les regards épouvantés de ceux qui le croyaient déjà perdu et le voyaient écorché et pendu. Or, Zoumourroud dès le premier regard, reconnut Alischar. Et son c?ur se mit à battre précipitamment et elle faillit lancer un cri de joie. Mais elle réussit à vaincre ce mouvement irréfléchi pour ne point s'exposer à se trahir devant son peuple. Pourtant, elle était prise d'une grande émotion et ses entrailles s'agitèrent et son c?ur battit de plus en plus fort. Et elle attendit de s'être calmée tout à fait avant que de faire venir Alischar. Quant à Alischar, voici ! Lorsqu'il s'était réveillé... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Mais lorsque fut la trois cent vingt-huitième nuit, elle dit : ...Lorsqu'il s'était réveillé, le jour était levé, et les marchands commençaient déjà à ouvrir le souk. Alischar, étonné de se voir étendu dans cette rue, porta la main à son front et constata que son turban avait disparu et son manteau également. Il commença alors à comprendre la réalité et courut, fort ému, raconter sa mésaventure à la bonne vieille qu'il pria d'aller aux nouvelles. Elle y consentit de bon c?ur et partit pour revenir au bout d'une heure, le visage et les cheveux défaits, lui apprendre la disparition de Zoumourroud, et lui dire : «Je crois bien, mon enfant, que désormais tu dois renoncer à jamais retrouver ton amoureuse. Il n'y a de recours et de force dans les calamités qu'en Allah le Tout-Puissant ! Tout ce qui t'arrive est bien ta faute !» A ces paroles, Alischar vit la lumière se changer en ténèbres devant son visage, et il désespéra de la vie, et souhaita mourir, et se mit à pleurer et à sangloter dans les bras de la bonne vieille, tellement qu'il s'évanouit. Puis, à force de bons soins, il reprit ses sens, mais ce fut pour s'aliter, atteint d'une grave maladie qui lui fit perdre le goût du sommeil et qui l'aurait certainement conduit droit à la tombe s'il n'avait eu la bonne vieille pour le soigner, l'aimer et l'encourager. Il resta ainsi fort malade durant la longueur d'une année, sans que la vieille le quittât un instant ; elle lui donnait à boire les sirops, et lui faisait bouillir les poulets, et lui faisait respirer les parfums vivifiants. Et lui, dans un état d'extrême faiblesse et de langueur, se laissait faire et se récitait des vers fort tristes sur la séparation, parmi lesquels ceux-ci entre mille : «Les soucis s'accumulent, l'amour se désagrège, les larmes coulent et le c?ur est brûlé.» (à suivre...)