Résumé de la 10e partie n Tandis que Zoumourroud était torturée et flagellée par ses ravisseurs chrétiens, Alischar hantait les rues, malade de désespoir. Il continua à errer de la sorte, les deux cailloux lui faisant résonner la poitrine, quand il rencontra une vieille femme d'entre les femmes de bien, qui lui dit : «Mon enfant, puisses-tu jouir de la sécurité et de la raison ! Depuis quand es-tu devenu fou ?» Et Alischar lui répondit par ce vers : «C'est l'absence d'une qui m'a fait perdre la raison ! O vous qui croyez à ma folie, ramenez celle qui l'a causée, et sur mon esprit vous mettrez la fraîcheur d'un dictame !» En entendant ce vers et en regardant Alischar plus attentivement, la bonne vieille comprit qu'il devait être un amoureux en souffrance, et lui dit : «Mon enfant, ne crains pas de me raconter tes peines et ton infortune. Peut-être qu'Allah ne m'a placée sur ton chemin que pour te venir en aide !» Alors Alischar lui raconta son aventure avec Barssoum le chrétien. La bonne vieille, à ce discours, réfléchit pendant une heure de temps, puis elle releva la tête et dit à Alischar : «Lève-toi, mon enfant, et va vite m'acheter une corbeille de colporteur, dans laquelle tu mettras, après les avoir achetés au souk, des bracelets de verre coloré, des anneaux en cuivre argenté, des pendants d'oreilles, des breloques et diverses autres choses comme en vendent aux femmes dans les maisons les vieilles pourvoyeuses. Et moi je mettrai cette corbeille sur ma tête et j'irai faire le tour de toutes les maisons de la ville, en vendant aux femmes ces diverses choses. Et de la sorte je pourrai faire des investigations qui nous mettront sur la bonne voie et nous feront, s'il plaît à Allah, retrouver ton amante Sett Zoumourroud...» A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Mais lorsque fut la trois cent vingt-deuxième nuit, elle dit : «... Retrouver ton amante Sett Zoumourroud.» Et Alischar se mit à pleurer de joie et, après avoir baisé les mains de la bonne vieille, se hâta d'aller acheter et de lui rapporter ce qu'elle lui avait indiqué. Alors la vieille rentra chez elle pour s'habiller. Elle se voila le visage avec un voile couleur de miel brun, se couvrit la tête d'un foulard de cachemire et s'enveloppa d'un grand voile de soie noire ; puis elle mit sur sa tête la corbeille en question et, prenant en main un bâton pour soutenir sa respectable vieillesse, elle se mit à faire lentement le tour des harems des notables et des marchands, dans les différents quartiers et ne tarda pas à arriver à la maison du vieux Rachideddîn, le misérable chrétien qui se faisait passer pour musulman, le maudit qu'Allah confonde et brûle dans les feux de son enfer et torture jusqu'à l'extinction des temps. Amîn ! Or, elle y arriva juste au moment où la malheureuse adolescente, jetée au milieu des esclaves et des servantes de la cuisine, endolorie encore des coups qu'elle avait reçus, gisait à moitié morte sur une méchante natte. Elle frappa à la porte et l'une des esclaves vint lui ouvrir et la saluer avec amitié ; et la vieille lui dit : «Ma fille, j'ai là quelques jolis objets à vendre. Y a-t-il, chez vous autres, des acheteurs ?» La servante dit : «Mais je crois bien !» Et elle l'introduisit à la cuisine, où la vieille s'assit avec componction et fut aussitôt entourée par les esclaves. Elle fut fort accommodante dans la vente et se mit à leur céder, pour des prix fort modiques, bracelets, anneaux et pendants d'oreilles, si bien qu'elle gagna leur confiance et qu'elles l'aimèrent pour son langage onctueux et la douceur de ses manières. (à suivre...)