Résumé de la 9e partie n La ruse du chrétien a eu raison de Alischar. Le vieil homme, qui, avec la complicité de son frère, voulait acheter Zoumourroud, est arrivé à ses fins. Zoumourroud, à l?intérieur de la maison, ne se doute de rien? Ce Barssoum courut donc aviser son misérable frère du succès de leur ruse, et tous deux, suivis de leurs hommes, pénétrèrent dans la maison d'Alischar, se précipitèrent dans l'appartement d'à côté qu'avait loué Alischar pour en faire le harem de Zoumourroud, s'élancèrent sur la belle adolescente qu'ils bâillonnèrent et prirent à bras-le-corps pour la transporter en un clin d'?il sur le dos du mulet qu'ils mirent au galop pour arriver, en quelques instants, sans avoir été inquiétés en route, à la maison du vieux Rachideddîn. Le vieux misérable aux yeux bleus et louches fit alors porter Zoumourroud dans la chambre la plus retirée de la maison, et il s'assit seul près d'elle, après lui avoir ôté le bâillon, et lui dit : «Te voici enfin en mon pouvoir, belle Zoumourroud et ce n'est point ce vaurien d'Alischar qui viendra maintenant te tirer de mes mains. Commence donc, avant que de coucher dans mes bras, par abjurer ta mécréante foi et consentir à devenir chrétienne comme je suis chrétien. Par le Messie et la Vierge ! Si, tout de suite, tu ne te rends à mon double désir, je te ferai subir les pires tortures et te rendrai plus malheureuse qu'une chienne !» A ces paroles du misérable chrétien, les yeux de l'adolescente se remplirent de larmes qui roulèrent le long de ses joues, et ses lèvres frémirent, et elle s'écria : «O scélérat à barbe blanche, par Allah ! tu peux me faire couper en morceaux, mais tu n'arriveras pas à me faire abjurer ma foi ; tu peux même prendre mon corps par la violence, mais tu ne soumettras pas mon esprit à l'impureté partagée ! Et Allah saura bien, tôt ou tard, te demander compte de tes ignominies !» Lorsque le vieillard vit qu'il ne pouvait la persuader par la parole, il appela ses esclaves et leur dit : «Renversez-la et tenez-la sur le ventre solidement !» Et ils la renversèrent et la couchèrent sur le ventre. Alors ce misérable vieux chrétien prit un fouet et se mit à l'en flageller cruellement sur ses belles parties arrondies de façon que chaque coup laissait une longue raie rouge. Et Zoumourroud, à chaque coup qu'elle recevait, loin de faiblir dans sa foi, s'écriait : «Il n'y a de Dieu qu'Allah, et Mohammed est l'envoyé d'Allah !» Et il ne s'arrêta de la frapper que lorsqu'il ne put plus lever le bras. Alors il ordonna à ses esclaves de la jeter à la cuisine, avec les servantes, et de ne lui rien donner à manger ni à boire. Et ils obéirent à l'instant. Et voilà pour eux ! Quant à Alischar, il resta étendu, privé de sentiment, dans le vestibule de sa maison, jusqu'au lendemain. Il put alors reprendre ses sens et ouvrir les yeux, une fois dissipée l'ivresse du banj et envolées de sa tête les fumées de l'opium. Il se leva alors sur son séant et, de toutes ses forces, il appela : «Ya Zoumourroud !» Mais personne ne lui répondit. Il se leva, anxieux, et entra dans l'appartement vide et silencieux où les voiles de Zoumourroud et ses écharpes gisaient sur le sol. Alors il se rappela le chrétien ; et, comme lui aussi avait disparu, il ne douta plus de l'enlèvement de sa bien-aimée Zoumourroud. Il se jeta alors par terre en se frappant la tête et en sanglotant, puis il déchira ses vêtements et pleura toutes les larmes de la désolation et, à la limite du désespoir, il s'élança hors de sa maison, ramassa deux gros cailloux dont il se mit un dans chaque main, et commença à parcourir, hagard, toutes les rues en se frappant la poitrine avec ces cailloux et en criant : «Ya Zoumourroud ! Zoumourroud !» Et les enfants l'entourèrent en courant avec lui et en criant : «Un fou ! un fou !» Et les gens de connaissance qui le rencontraient le regardaient avec compassion et pleuraient de la perte de sa raison, en disant : «C'est le fils de Gloire ! Pauvre Alischar !» (à suivre...)