Défaillance n Exils était à l?affiche, jeudi, à la salle Ibn Zeydoun (Riad-el-Feth), et ce dans le cadre de la semaine du film européen. Réalisé par Tony Gatlif, ce film français raconte les pérégrinations débridées et forcenées de Zano (Romain Duris) et de Naïma (Lubna Azabal). Un jour, Zano propose à sa compagne, Naïma, de traverser la France et l?Espagne ? en passant par le Maroc ? pour rejoindre Alger et connaître, enfin, la terre qu?ont due quitter leurs parents autrefois. Ils refont le chemin de l?exil. Tous les deux vont sur les traces de leur passé, à la recherche d?une origine lointaine, peut-être effacée au fil du temps et des événements, ils vont, en fait, à la recherche d?eux-mêmes dans un présent problématique ; et dans ce périple identitaire, chacun espère une reconquête de soi. Toutefois, et au bout du voyage, l?espoir d?une retrouvaille escomptée, d?un dénouement heureux, tourne court. Zano retrouve l?appartement où vivaient ses parents jusqu?à l?indépendance de l?Algérie quand ils ont été rapatriés. Il retrouve ce qui lui rappelle ? photographies et autres souvenirs ? son passé familial, mais le pays où toute sa famille a vécu, il ne le retrouve pas. C?est une Algérie telle qu?elle se présente dans l?imaginaire du réalisateur qu?il retrouve. Naïma, quant à elle, ne retrouve rien. Elle se sent toujours étrangère, en France comme en Algérie. Elle n?est ni d?ici ni d?ailleurs. C?est une errante ; et cette errance, elle la vit comme une éternelle blessure, une souffrance qui n?a point de remède. Une tragédie existentielle. Le film, techniquement parlant, est propre, convenable et adroitement fait ; et au plan thématique, le contenu est intéressant et soutenu. Il se trouve cependant que la manière dont le sujet est traité ? et notamment la façon de concevoir l?image ? est improbable. Toute la représentation faite sur l?Algérie relève purement d?un imaginaire largement alimenté par des stéréotypes venant gauchir l?identité algérienne. Le reflet est déformé et l?Algérie est donc représentée en décalage par rapport à la réalité elle-même. C?est une Algérie imaginée et surtout impersonnelle et à laquelle l?on ne peut s?identifier. Le public ne peut se reconnaître dans cette Algérie fantasmée et qui apparaît erronée et estropiée de sa vraie personnalité. Le réalisateur ne fait, en effet, que reprendre ces clichés qu?il avait sur l?Algérie et les cultiver avec aberration et cécité dans son film. Ce qui a pour effet d'amputer celui-ci, à coup sûr, d'une grande part de sa crédibilité cinématographique, d?autant plus que l?esthétique se perd, elle aussi, dans cette interprétation incorrecte et désagréable de l?image ainsi que dans cette approche grotesque de la réalité. Tout ce que l?on retient du film, c?est à l?évidence ce rapport rapproché entretenu intimement entre Zano et Naïma, un corps à corps fougueux, une dualité charnelle qui confère au film un tempérament érotique ? sexuel. C?est aussi cet air de liberté que respirent Zano et Naïma, puisque épris de liberté, ils se laissent sensuellement griser et emporter par cette passion qui les anime et édicte leur conduite.