Evocation n Bezziane Saâdi, journaliste et écrivain, était, hier, samedi, l?invité du café littéraire qu'a abrité la bibliothèque du Hamma. Le thème de la rencontre portait sur le personnage de Djamel Eddine Bencheïkh, «un homme exceptionnel, à la fois écrivain, critique, traducteur et universitaire», souligne l?intervenant regrettant que cet homme ait été «très peu connu en Algérie». En effet, Djamel Eddine Bencheïkh, qui nous a quittés le 8 août dernier, n?était pas, selon le conférencier, très populaire parmi les siens et plus tard l?Algérie, ce pays qu?il portait dans son c?ur et qu?il a quitté en 1969 alors qu?il était professeur à l?université d?Alger où il enseignait la littérature comparée et qui s?est montrée ingrate envers lui. «Un jour, raconte Bezziane Saâdi, j?ai demandé à Djamel Eddine Bencheïkh pourquoi il ne rentrerait pas en Algérie. Il m?a répondu qu?il ne pouvait le faire parce qu?en Algérie il n?aurait pu produire ce qu?il a pu produire en France.» C?est donc l?absence en Algérie d?un environnement favorable à l?épanouissement de la pensée intellectuelle ainsi que le manque des conditions qui auraient pu lui permettre de s?investir au plan de la recherche universitaire qui ont contraint Djamel Eddine Bencheïkh à quitter l?Algérie et à s?installer de l?autre côté de la Méditerranée. Le conférencier s?est désolé qu?un personnage aussi imposant que Djamel Eddine Bencheïkh n?ait pas fait l?objet d?un plus grand intérêt de la part de la classe intellectuelle algérienne. «Djamel Eddine Bencheïkh mérite plus qu?une conférence, il y a des gens auxquels sont consacrés des colloques alors qu?ils ne méritent même pas une simple rencontre», dit-il. Bezziane Saâdi a déploré également que d?autres hommes de lettres et intellectuels algériens aient été ? et sont ? marginalisés, une indifférence qui les a poussés à s?exiler pour fructifier leur pensée à l?étranger, sous d?autres cieux plus cléments. Ce sont les Européens ou les autres pays arabes qui profitent de leur savoir et non pas l?Algérie. De son côté, Amine Zaoui s?est interrogé sur ce phénomène en se demandant si cela n?est pas une malédiction. «L?intelligentsia algérienne est malade d?elle-même, dira le directeur de la Bibliothèque nationale, elle est malade au point de nier sa propre pensée, donc de se nier, voire de se renier.» Amine Zaoui a promis qu?un colloque sur Djamel Eddine Bencheïkh sera prochainement organisé à la Bibliothèque nationale. Ainsi Djamel Eddine Bencheïkh, abandonné, ignoré et contraint à l?exil, comme tant d?autres, avait rejoint l?université de Paris où il avait créé une chaire d?arabe. Il enseigna la littérature arabe et la fit connaître au monde occidental, en l?occurrence la France en traduisant de nombreux écrivains arabes. Bezziane Saâdi dira que Djamel Eddine Bencheïkh, qu'il a connu, était un pont jeté entre les deux rives, un trait d?union entre les deux cultures, entre la littérature arabe et la littérature occidentale. «C?était un homme qui militait pour le dialogue des cultures, d?où ses travaux consacrés aux littératures comparées», explique M. Bezziane Saâdi.