Témoignage n «J'ai raté mes études et perdu mes parents, maintenant j'ai décidé d'arrêter?» Samir, appelons-le ainsi, était un jeune sans repères, désespéré, coléreux ; il n'avait qu'une seule quête : se procurer un bout de cannabis. Pour se calmer, il se rabattait sur les diluants ou des cachets. «J'étais un élève brillant au collège, raconte-t-il, les enseignants m'estimaient beaucoup. J'avais toujours les meilleures notes aux examens et tout le monde, particulièrement mes parents, étaient fiers de moi.» Un long silence s'ensuit. «Un jour, des amis m'ont invité à un anniversaire et j'ai accepté, je venais de terminer mes examens et je voulais me défouler un peu avec les copains. La boum était organisée dans un appartement de l?un d?eux. Nous nous sommes bien amusés. Il se faisait tard et je voulais me retirer, mais on me retint en me disant qu'il y aurait une surprise.» La surprise était l'arrivée d'une personne apportant de l'alcool : «Moi je ne prenais pas d'alcool, mais pour ne pas paraître vieux jeu, j'ai accepté le verre et puis les autres verres qu'on m'offrait. Il y avait aussi ceux qui fumaient du cannabis et moi, enivré par l'alcool qui me faisait découvrir de nouvelles sensations, j'ai voulu pousser plus loin ce moment de plaisir et goûter au kif.» Depuis cette soirée, Samir est régulièrement approvisionné en cannabis, au départ gratuitement, puis moyennant de l'argent. «Je demandais à mes parents de me donner de l'argent pour acheter des cahiers ou des livres et ça me servait à acheter de la drogue», nous dit-il. Quand Samir ne trouve pas d'argent, ses amis lui proposent d'acheter autre chose : des cachets, des diluants? rien n'était laissé au hasard. «Je suis devenu nerveux et je battais mes petites s?urs. Quand mes parents ont découvert que je me droguais, ce fut le choc. Mon père m'a demandé de choisir entre arrêter ou quitter la maison. Ma mère ne faisait que pleurer.» Samir, dont les résultats au lycée se sont détériorés, a abandonné ses études et quitté la maison. Ses amis ne voulaient pas de lui chez eux. C'est alors, après les premières nuits qu'il passe dans un gourbi abandonné, qu'il se rend compte de son isolement. «J'étais seul avec la drogue qui ne pouvait rien pour moi. J'étais devenu clochard et voleur?» Un jour de désespoir, il alla voir une amie étudiante, une fille qu'il aimait au lycée : «J'avais besoin de parler à quelqu'un qui me comprendrait et je savais qu'elle seule en était capable.» A cette amie, il dit : «Aide-moi, j'ai besoin de toi» et il s'est mis à pleurer. Après avoir compris de quoi il s'agissait, l'amie de Samir promit de frapper à toutes les portes pour le sortir de l'abîme. Samir ajoute d'un air triste et honteux : «J'ai raté mes études et perdu mes parents, maintenant je veux arrêter.» Samir a été pris en charge au niveau de l'hôpital psychiatrique d?Oued Aïssi, avant d'être orienté vers le centre de Blida. Il suit régulièrement une cure de désintoxication : «C'était difficile au départ, mais maintenant je me sens mieux.» Avant de nous quitter, il ajoute : «Il faut dire aux jeunes les dangers de la drogue. Sensibilisez-les.»