Apparition n Un grand vent, soufflant de l?ouest, se lève et arrache toutes les tentes. Ali prend peur, mais il obéit à la voix et va vers la palmeraie. C?est alors qu?il recule, émerveillé par le spectacle. Ouargla, dans le désert, se vante d?être la plus ancienne ville du Sahara, puisque selon la tradition, c?est le prophète Salomon lui-même, Sidna Sliman, qui l?aurait construite, en une nuit, en s?aidant des génies que Dieu lui avait soumis, ceci pour récompenser des nomades qui l?avaient servi et qui voulaient se sédentariser. Cette légende a été rapportée au XIXe siècle, par un officier de l?armée française, lors de la conquête de la cité. C?était par une belle nuit étoilée, dit la légende. Les nomades, qui ont marché toute la journée à la recherche de pâturages pour leurs bêtes, dorment, épuisés. Seul leur chef, Cheikh Ali Ben Sikin, est éveillé. Il ne dort pas, lui, pensant aux dures conditions de la vie de nomade, cherchant un moyen de mettre fin à l?errance de son peuple. Ici, à l?endroit où on a planté les tentes, il y a des sources et surtout une belle palmeraie : une véritable forêt qui dispense, au plus fortes chaleurs de la journée, une ombre bienfaisante. Et si lui et son peuple s?installaient là ? Et si on y construisait un village ? De vraies maisons avec des toits, des cours? On y cultiverait des palmiers, on y travaillerait la terre, on y élèverait des bêtes? Mais construire un village nécessite beaucoup d?efforts et de peines. Et puis, ses nomades ne sont pas habitués à ce genre de tâches. Tout ce qu?ils savent faire, eux, c?est aller dans le désert, faire paître leurs troupeaux, chasser? Tandis qu?il pense à tout cela, Ali entend comme un murmure. Il tend l?oreille, croyant qu?il s?agit d?une voix, puis il détourne son attention : ce n?est que le vent. Mais le murmure se fait de nouveau entendre et cette fois, le chef des nomades entend bien une voix, et cette voix l?appelle : «Ali, Ali !» Il cherche qui l?appelle, mais ne voit personne. Il prend aussitôt peur parce qu?il pense à une djennia, les génies femelles qui peuplent le désert, la nuit. Mais la voix le rassure : «Ne crains rien, Ali, je ne te veux aucun mal !» Au demeurant, la voix est douce et semble même pleine de sollicitude. «Lève-toi et cours au milieu de la forêt de palmiers ; tu y trouveras, s?il plaît à Dieu, ce que tu as désiré.» Un grand vent, soufflant de l?ouest, se lève et arrache toutes les tentes. Ali prend peur, mais il obéit à la voix et va vers la palmeraie. C?est alors qu?il recule, émerveillé par le spectacle : une ville splendide, d?une construction admirable et d?un travail parfait, dressait ses hautes murailles au milieu des sources de la forêt de palmiers. Elle était prête à être habitée. Ali se hâte d?aller réveiller ses compagnons et tous ensemble s?approchent. Ils furent bientôt en face d?une ville circulaire, entourée de murs fortifiés de tours et d?un fossé rempli d?eau qui s?enroulait autour d?elle comme un turban. Semblable à un fruit, la ville était divisée en trois lobes et les trois fractions de la tribu devaient y vivre, unies entre elles comme les pépins dans la grenade. Cette ville a reçu le nom de Ouargla. La ville originelle, dit la tradition, était infiniment plus belle que la ville actuelle? (à suivre...)