Rencontre n Le parcours du sociologue français, Pierre Bourdieu, et l'approche de son travail ont fait l?objet d?un débat à la Bibliothèque nationale. Initiée conjointement par la Bibliothèque nationale et le Centre culturel français, cette rencontre a été animée par nombre d?universitaires. Claude Seibel, inspecteur général de l'Insee, a évoqué les travaux réalisés par Pierre Bourdieu, lors de son service militaire en 1958 en Algérie, «pays où il a découvert la sociologie, une discipline dont il a fait une passion». «Pierre Bourdieu voulait objectiver, c'est-à-dire quantifier ses observations», a indiqué l'intervenant. Il a affirmé, par ailleurs, que Pierre Bourdieu, qui faisait surtout un travail sur le terrain, a mené une enquête sur les «centres de regroupement» qui n'a pas été publiée à cette période, car les résultats «étaient accablants». «En 1960, le nombre d'Algériens regroupés atteignait 2,157 millions, soit le quart de la population totale. Si, outre les regroupements, on prend en compte l'exode vers les villes, on pourrait estimer à trois millions au moins, c'est-à-dire la moitié de la population rurale, le nombre des individus qui, en 1960, se trouvaient hors de leur résidence coutumière. Ce déplacement de population est parmi les plus brutaux qu'a connus l'histoire», mentionnait Bourdieu dans ce rapport, publié en 1964 sous forme de livre intitulé Le Déracinement. «Bourdieu avait une grande passion pour l'Algérie», a souligné Seibel à propos de ce sociologue qui prenait également des photographies et qui a confié un jour : «C'est le choc d'une réalité écrasante qui m'a fait prendre l'appareil photo.» Présentant l'exposition, organisée parallèlement à cette rencontre, Christine Frisinghelli, directrice de Camera Austria, a affirmé, après avoir évoqué le rapport de Pierre Bourdieu à la photographie, que ces images ont été prises «pour fixer la réalité déchirante» du peuple algérien durant la période coloniale. «Bourdieu portait un regard très attentif et plein de tendresse sur l'Algérie», a souligné l'oratrice, indiquant qu'il reste 650 négatifs et 150 tirages du fonds photographique évalué, de son vivant, par Bourdieu, à quelque deux à trois mille images. De son côté, Frantz Shultheis, enseignant à l'université de Genève, a retracé l'enfance et le parcours professionnel de Pierre Bourdieu, «un intellectuel profondément anticolonialiste», mettant en exergue son séjour en Algérie où il a été affecté durant son service militaire. «C'est en Algérie qu'il a créé sa théorie des sciences sociales. Sans l'Algérie, son ?uvre n'est pas pensable», a affirmé le conférencier, ajoutant que «toute son ?uvre est une sorte d'hommage à l'Algérie et à sa culture». L'exposition, intitulée «Pierre Bourdieu. Images d'Algérie. Une affinité sélective», comprenant 150 photographies en noir et blanc prises entre 1958 et 1961, s'articule autour de quatre thèmes : «Economies de la misère», «Habitat et habitus», «Hommes et femmes» et «Paysans déracinés».