Résumé de la 1re partie n Bernadette et Pierre tendent un piège au médecin qui suivait leur fils avant son suicide. Le médecin était la seule personne qui connaissait bien Philippe, mais le secret professionnel est de mise... Michel, le médecin, a l'air d'un étudiant lui aussi, barbu, les cheveux en broussaille, des petites lunettes rondes sur le nez, l'air calme et doux ; il a dû penser que ces gens étaient fous, obsédés, à l'insulter de la sorte, l'accuser d'avoir poussé leur fils au suicide. Comment peuvent-ils, ces parents-là, qui disent aimer leur fils au-delà de tout, en savoir si peu sur lui ? On ne parlait pas dans cette maison, on faisait semblant. Des deux côtés. Par exemple, la jeune fille qui n'était pas assez amoureuse de Philippe et l'a quitté, cette jeune fille pour laquelle il s'est suicidé, en avait-il parlé ? La mère dit : «Elle lui avait offert une écharpe, je lui ai demandé s'il y avait anguille sous roche, i] m'a répondu que ce n'était pas une fille que l'on épouse. C'est tout.» Mais c'était une fille pour qui l'on meurt. La jeune fille dit : «Je n'étais pas la femme de sa vie, et il ne m'a jamais parIé de suicide.» Etrange. A moins que Philippe ne se soit suicidé pour autre chose, et que le mal d'amour ne soit qu'un masque. Un copain étudiant dit : «Il était mal dans sa peau, il se sentait étouffé par son père qui le haïssait. Un jour il m'a dit : "Si je me suicide, j'espère faire du mal à mon père."» Michel, le bon docteur barbu qui sait écouter les jeunes, en sait sûrement plus sur Philippe que ses parents. Il s'est laissé insulter et il est parti. A quoi bon tenter de déformer l'image rigide que ces gens-là se font de leur fils et qui doit absolument correspondre à la leur ? A leur amour égoïste pour lui ? A la projection eux-mêmes dans ce grand garçon faible et vulnérable ? Aujourd'hui, jour des morts, les parents de Philippe repensent à tout cela, comme ils ne cessent de le faire depuis le début, enfermés dans un cercle épouvantable, tels deux oiseaux malades dans une cage, incapables de communiquer avec l'extérieur. Leur décision est prise. L'est-elle lucidement ? Devant la loi, sûrement. D'un point de vue psychiatrique, le doute est permis. C'est un délire et de ce délire naît une pulsion mortelle. Mais l'exécution de la vengeance est parfaitement et logiquement organisée. Le 5 novembre 1983, le docteur Michel D., trente-trois ans, est de garde pour le week-end. Vers dix-sept heures trente, il reçoit un appel et le note sur son carnet près du téléphone : «R. Essen, avenue Einstein.» Il part à ce rendez-vous et sa femme n'aura plus de nouvelles, jusqu'au lendemain 6 novembre, où l'on découvre son corps couché sur le dos, dans un petit chemin forestier, non loin de l'avenue Einstein, à une centaine de mètres environ. Près de lui, une énorme pierre de vingt-sept kilos, couverte de sang, et un rouleau de papier hygiénique. Sa voiture est garée à proximité. La mise en scène qui voudrait faire croire à l'automobiliste pris d'un besoin naturel et qui tombe par accident sur cette énorme pierre est cousue de fil blanc. Les lésions sont multiples, plusieurs enfoncements crâniens indiquent qu'il a été agressé avec une extrême sauvagerie. Et qu'il existe sûrement une autre arme que cette pierre. L'enquête se dirige d'abord vers une affaire de drogue. On se livre à certains rapprochements avec l'arrestation d'un médecin de W. dont la clientèle était essentiellement constituée de drogués et qui entretenait la toxicomanie de ses patients. Privés de leur source habituelle d'approvisionnement depuis cette arrestation, ces patients auraient-ils tenté de persuader le docteur Michel D. de leur venir en aide, et devant son refus, l'auraient-ils tué ? Voilà pourquoi les véritables meurtriers du docteur Michel vont vivre leur vengeance en toute impunité durant près de deux ans. Rien ne les relie à leur victime, qui n'a apparemment jamais parIé à personne de sa première visite chez eux. Rien, sauf le fait que Philippe figurait dans sa clientèle. Comme des dizaines d'étudiants. Mais personne n'y pense pour l'instant. Le 24 juin 1985, une lettre anonyme parvient au domicile de la veuve du médecin assortie d'un morceau de bristol rouge, en mauvais état, sur lequel sont écrits quelques lignes et un numéro de téléphone. Ces lignes sont supposées être de la main de Pascale, une étudiante de vingt-cinq ans, fiancée à un autre étudiant, William, qu'elle est sur le point d'épouser. La jeune fille se retrouve suspect numéro un, inculpée de participation au meurtre du docteur, mais laissée en liberté par le juge d'instruction, qui prend la précaution de faire examiner la pièce à conviction par un expert graphologue. Et qui fait aussi le lien entre l'assassin désigné par le corbeau et les parents de Philippe. (à suivre...)