Résumé de la 3e partie n L?esprit de vengeance a conduit les parents de Philippe à tuer les personnes qui avaient un lien avec leur fils, avouent-ils. Mais le couple croit à l?assassinat de leur fils, rejetant la thèse du suicide. Un médecin peut-il dire une chose pareille ? Les parents n'ont-ils pas plutôt déformé un argument du docteur Michel ? Ils refusaient tellement que leur fils soit malheureux et qu'il veuille se suicider. On pourrait interpréter cette phrase autrement : «Philippe souffrait tellement qu'il pensait au suicide. Je lui ai indiqué la marche à suivre (voir un psychiatre) pour ne plus souffrir.» D'ailleurs, Philippe l'a vu, ce psychiatre, en secret de ses parents. Comment aurait-il pu dire à son père : «Je souffre parce que tu me détestes » et à sa mère : «Je souffre parce que tu m'étouffes» ? C'était son mal de vivre à lui, sa vie à lui, ses déceptions, ses faiblesses, ses terreurs à lui. Et son suicide à lui. Mais même ça, les parents s'en sont emparés. Le problème des jurés d'une cour d'assises devant un double cas aussi exceptionnel n'est pas simple. En dehors des aveux et de la monstrueuse réalité des faits, ils ont à comprendre chacun des personnages pour déterminer s'ils sont passibles d'internement carcéral ou d'internement psychiatrique. Ils ont aussi à comprendre le suicide de Philippe puisqu'il est déterminant dans le comportement criminel de ses parents. Peut-on expliquer un suicide ? On ne le peut guère. Un suicide n'appartient à personne d'autre qu'à son exécutant. Philippe était intelligent, doué, fragile, sentimental. A vingt-deux ans, il était la proie de toutes les jeunes filles de son âge un peu plus délurées que lui. Il était vraiment amoureux, vraiment désespéré. Ce n'est pas pour autant que la jeune fille qui lui a offert un jour une écharpe et un peu d'amour serait responsable. Quant au couple assassin : fou ? Oui et non. Les parents ont voulu assouvir une vengeance. Le réquisitoire refuse les circonstances atténuantes, qui les voudraient malades et psychotiques. L'accusation reste pragmatique : «Cette pierre, ce marteau, les objets ont un langage. On nous dit que la mère était si malade et dépressive qu'elle ne pouvait plus soulever une casserole, mais elle a eu la force de soulever avec son mari une pierre de vingt-sept kilos. La force de le regarder frapper, puis l'idée de la lettre anonyme. C'était un processus sans fin. Après le médecin, après l'étudiante, il y aurait eu autre chose... Leur vengeance n'avait pas de limite.» Regrettent-ils la mort du docteur Michel ? Sans conviction, disent les psychiatres. Et deux détails aussi font de ce couple un couple d'assassins sans circonstances atténuantes. La mère dit : «Il a tâté le pouls pour voir s'il était mort.» Le père réplique : «Ce n'est pas vrai, je n'ai pas fait ça, elle ment.» Le juge demande : «Vous avez transporté cette énorme pierre ? Non, elle était sur place. Non, on l'a trouvée là.» Alors que c'est faux. Ils se disputent sur des petites choses mesquines, s'accusent l'un l'autre, l'esprit plus empoisonné que jamais par leur délire, et l'on chercherait vainement de l'amour entre eux ; cet amour dont ils parlent tant pour l'avoir projeté sur Philippe. Leur plan était logique, l'exécution en était logique, tout cela n'a rien à voir avec l'irresponsabilité. La défense veut que l'on guérisse ces gens au lieu de les mettre en prison ; l'accusation veut qu'on les enferme pour qu'ils ne continuent pas. Ils sont dangereux et ils ont encore du temps devant eux pour l'être encore et encore. Philippe, en se donnant la mort, a déclenché la pulsion criminelle de ses parents. Les jurés ont suivi l'avocat général qui avait «clairement souhaité que la société ne confonde pas la frontière entre la défense sociale paranoïaque et la simple tendance paranoïde. Une question capitale de "degré psychiatrique" dans la jurisprudence». Aussi, en dépit de leur deuil pathologique et de leur délire criminel à deux, les parents de Philippe ont été condamnés à vingt ans de travaux forcés. Après le verdict, on donne la parole aux condamnés pour la dernière fois devant les jurés. Le père dit : «Je ne comprends pas encore aujourd'hui ce qui s'est passé. Je demande pardon à tous ceux que j'ai fait souffrir.» La mère dit : «Je demande pardon à tous. Quant à toi Pascale, n'aie plus peur, sois heureuse avec tes enfants.» Ils n'attendaient plus rien de la vie depuis longtemps et l'avaient déclaré juste avant le verdict à leurs avocats. Mais la vie attend quelque chose d'eux. Sûrement. Qu'ils n'ont pas encore trouvé. Et Philippe attendait d'eux autre chose aussi, sûrement, qu'ils n'ont pas pu lui donner.