Influence n Il est évident que Kaboul et Islamabad réagissent sous la pression constante des Etats-Unis qui exigent qu'ils fassent plus contre les taliban pour compenser leur propre échec en Afghanistan. Le Pakistan et l'Afghanistan, deux alliés de la «guerre contre le terrorisme» des Etats-Unis, sont embarrassés par la présence des taliban et d'Al-Qaîda à leur frontière commune. Dimanche, le président pakistanais Pervez Musharraf n?a pas mâché ses mots quand il a déclaré que son homologue afghan, Hamid Karzai, «oublie un peu vite ce qui se passe dans son propre pays pour accuser le Pakistan de tous ses maux», a-t-il lancé dans une interview à la télévision américaine CNN. Les informations transmises à Islamabad par Karzai lors de sa dernière visite mi-février sur la présence au Pakistan de responsables des taliban ou d'Al-Qaîda sont des «absurdités», a poursuivi le général Musharraf sans souci de diplomatie. «Cette liste comporte des informations datant de plusieurs mois et périmées, et il n'y a rien», a-t-il poursuivi en prenant à témoin les services de renseignement américains. «Même la CIA le sait», a souligné Musharraf. Mardi, Kaboul a lancé un nouvel appel au Pakistan à combattre la présence sur son territoire des taliban, alors que des combats ont fait plus d'une centaine de tués parmi les militants islamistes dans la zone tribale pakistanaise depuis samedi. Selon l'analyste pakistanais Talat Massoud, «cela montre surtout l'impuissance du Pakistan, de l'Afghanistan et des Etats-Unis à pacifier la région», où le chef d'Al-Qaîda Oussama ben Laden, selon les services de renseignement concernés, est supposé avoir trouvé refuge. «Cette altercation pose une menace directe à la guerre contre le terrorisme», a estimé le général pakistanais à la retraite. Depuis le renversement fin 2001 du régime des taliban, dont le Pakistan était alors le premier soutien, les relations entre Kaboul et Islamabad ont été marquées par la défiance. Malgré la présence d'un Pachtoune (Hamid Karzaï) à la présidence, le pouvoir afghan a longtemps été dominé par des ethnies non pachtounes, ayant combattu pendant cinq ans les taliban, en grande majorité pachtounes, et tissé des liens étroits avec l'Inde, ennemi historique du Pakistan. Tous deux alliés de Washington, Kaboul et Islamabad n'ont eu de cesse, depuis la fin 2001, d'échanger les accusations sur la présence de taliban et d'Al-Qaîda le long de leur très poreuse frontière, de part et d'autre de laquelle vivent des populations pachtounes qui n'ont jamais, des Mongols aux Britanniques, été domptées. La visite du président Bush en Inde, où il est allé sceller une nouvelle grande orientation stratégique avant de venir au Pakistan rappeler à Musharraf qu'il restait «beaucoup à faire» contre le terrorisme, a également ravivé les frustrations pakistanaises.