Thème n Depuis quelques années, la femme commence à occuper une place assez particulière dans le cinéma arabe. La cinématographie s?emploie, en effet, à dire la société à travers le personnage de la femme et ce, à travers le rapport que l?une entretient avec l?autre. Dounia, ?uvre de la Libanaise Jocelyne Saâb, s'inscrit dans la récente veine de films sur les femmes en quête d'affirmation de soi dans une société encore assujettie aux traditions rétrogrades, stérilisantes. L?histoire se déroule au Caire. Le film parle d?une jeune étudiante en poésie soufie et danse orientale. Dounia, le nom de l?héroïne, rêve de devenir, un jour, danseuse professionnelle. Lors d?un concours, elle rencontre le séduisant docteur Beshir, illustre penseur soufi et homme de lettres. Lors de cette rencontre, elle goûtera avec lui au plaisir des mots dans ses recherches sur l?extase dans la poésie soufie, et découvrira, dans ses bras, le plaisir des sens. Mais il lui faudra affronter la tradition, qui a détruit sa capacité au plaisir, pour pouvoir libérer son corps et danser avec son âme. Déroulant tout le patrimoine poétique et musical arabe, le film, à forte charge érotique, parle d?amour et de désir et ce, à travers une femme marquée par une éducation traditionnelle et contraignante et qui tente de se libérer, malgré les entraves d?ordre social et même religieux, de cette pesanteur qui l?empêche d?assumer son corps et de vivre pleinement les sens qui l?habitent. Le film se veut une critique de la société arabe. Cette société qui contrôle le corps des femmes pour maîtriser leurs faits et gestes. Dounia s?émancipe, se libère grâce à la pratique de la danse. Elle découvre cette liberté et tous les plaisirs qui en découlent. Cette liberté l?aide à effectuer une réappropriation de soi. Le film se veut encore plus critique, voire virulent lorsqu?il dénonce une éducation conformiste marquée par un traumatisme provoqué par une pratique barbare dont Dounia a été la victime lorsqu?elle était enfant : la mutilation génitale féminine (excision). Il est à souligner que pour réaliser le film, la réalisatrice a dû livrer de longues batailles politiques pour obtenir une autorisation de tournage au Caire ; pour ce faire, elle a dû aménager le scénario pour qu'il soit accepté par la censure. La projection du film au dernier Festival international du film du Caire a provoqué une levée de boucliers et suscité un débat polémique. Puisque doublement politique, le film, selon la critique, remet en cause la répression du plaisir et l'enfermement de la féminité dans la société arabe autant qu'il ouvre le regard occidental sur la richesse d'une culture trop facilement réduite à ses expressions intégristes.