Résumé de la 2e partie La gendarmérie fait son enquête. Quelques jours après, elle découvre le corps de M. Baneke. Elise referme la fenêtre et regarde Louis. Louis regarde Pierre qui regarde sa mère. Leur mutisme est habituel, il ne choque pas le gendarme. Enfin, la mère parle, sans lever la tête, comme toujours, les yeux errant sur le carrelage impeccable, luisant de propreté. «Pierre, tu iras. Louis, toi aussi. Je vous donnerai I?argent du voyage. Elise, tu les mèneras à la gare. En revenant, tu prendras le grain chez Acker.» C'est tout. Le gendarme salue et s?en va. Il fait beau dehors, les poules s?éparpillent dans la cour et piaillent autour de la voiture qui démarre. Les champs de luzerne et de pommes de terre défilent sous les yeux du gendarme qui dit à son collègue : «Au fond, ça serait bien qu'il soit mort, et que ce soit lui, le noyé d'Ostende. Pour eux, il est mort depuis longtemps. Ça ne changera rien, sauf qu'ils seront les maîtres, et tranquilles.» Le lendemain, 7 juillet 1962, Pierre et Louis, en costume noir et chaussures cirées, prennent le train pour Ostende. Six heures de trajet. La mère a préparé leur panier de déjeuner. L'après-midi, ils se rendent à la morgue municipale. Un peu perdus dans la grande ville, ils ont cherché longtemps, à pied, avant de se résigner à prendre un taxi. Pierre, l'aîné, montre la convocation au fonctionnaire, qui les conduit à travers d'immenses couloirs en sous-sol. Un homme en blouse immaculée les prend en charge et les installe dans une petite pièce carrelée et blanche. Il s?en va un quart d?heure et revient en poussant un chariot recouvert d?un drap. Une étiquette flotte au pied du cadavre, portant un numéro : 93 070, une date : 22 juin 1960, sexe : masculin. L'homme en blouse blanche est suivi de deux policiers en uniforme et d'un inspecteur en civil. C?est l?inspecteur qui parle, d?un ton plat. «Je vous demanderai de vous prononcer sans hésitation. Si vous avez le moindre doute, vous devez m?en faire part. J'ai ici la description des vêtements et le signalement de M. Johan Baneke. Elle correspond dans son ensemble. L'homme que voici n?avait pas de portefeuille, pas de papiers d?identité, pas de cicatrice reconnaissable, pas de bijou. Il lui manquait ses chaussures, et le pantalon ne portait pas de ceinture. Il a séjourné environ deux mois dans l?eau du port et ne porte pas de blessures apparentes. La mort est due à la noyade. Le visage a beaucoup souffert, ainsi que les mains et la partie inférieure du corps. Quand vous serez prêts? nous pourrons y aller.» Pierre fait un signe de tête. L'homme en blouse blanche soulève le drap et l'inspecteur leur dit d?avancer. Ils regardent, tous les deux, avec intensité. Puis Louis détourne la tête. Il est pâle. C?est Pierre qui parle le premier à l?inspecteur. «C?est le père.» ? Et votre frère ? Il est sûr ? Louis regarde à nouveau. Il se mord les lèvres, mais sa voix est calme : «C?est le père, c?est vrai. ? Vous n?avez aucun doute ? ? Non, monsieur. On le reconnaît, quand même. C?est le père.» Pierre et Louis signent des papiers et reprennent le train. Une semaine plus tard, ils suivent le cercueil de leur père, rapatrié au village. L'enterrement est rapide, deux ou trois voisins y assistent. Dès leur retour à la ferme, Elise, la mère, et ses deux fils reprennent leur travail. Rien n?a changé dans leur vie. Rien ne changera pendant sept ans à la ferme du silence. Bien loin de cette ferme du silence, bien loin de la tombe où repose le corps de Johan Baneke, décédé à soixante-dix-sept ans d'une dernière fugue, bien loin de là, à Dixmude, un policier relit son rapport. En face de lui, un collègue, venu d'Ostende. Tous les deux achèvent une conversation très intéressante. (à suivre...)