Génie n Les poèmes de cet artiste, traitant essentiellement des affres de l?exil, ont été agréablement chantés par Slimane Azem et Allaoua Zerrouki. «Si Muh u M?hand - Cheikh Mohand Oulhocine : dialogue de géants» et «Les Isefra de Si Muh u M'hand dans le répertoire de la chanson kabyle de l?exil» sont les thèmes abordés lors de la clôture des travaux du colloque organisé sur l??uvre et la vie de ce poète d?expression amazighe, en commémoration du centenaire de sa disparition. Le chercheur Ghobrini a tenté de reconstituer le cheminement de ces deux éminents «ciseleurs» du verbe, à travers une rencontre où les deux hommes, ayant fait ensemble l?école coranique, ont exposé, par la versification, leur vision diamétralement opposée de la vie. Exproprié, déraciné et jeté prématurément sur le chemin du désespoir, Si Muh u M'hand est venu à la poésie, «miroir de sa vie», pour «exorciser les démons de sa douleur et exprimer sa haine contre l?occupant colonial et tous ceux qui lui ont fait du mal, en simulant la folie pour faire passer ses messages, sans risquer des représailles». A l?inverse, indique M. Ghobrini, Cheikh Mohand Oulhocine est plutôt épargné par la vie ; réputé pour sa sagesse, sa parole passait pour être «un jugement que personne n?osait remettre en cause». Les gens, soutient-il, «venaient de partout pour solliciter ses conseils et régler leurs différends». Pourtant, Si Muh u M'hand a «osé» renoncer à suivre le conseil du Cheikh pour abandonner l?absinthe à laquelle il s?adonnait, répondant en vers par la négative à son interlocuteur qui essayait de le persuader de se détacher de la vie, «qui n?est que pure illusion, pour retrouver la paix de l?âme et la quiétude». «Déçu de ne pouvoir convaincre son hôte, le Cheikh jeta sur lui sa malédiction : "Va, tu mourras en exil, M'hand." Ce à quoi ce dernier répondit : "Je serai enterré à Asseqif N?ath Mana, mais toi tu quitteras ce monde sans laisser de postérité".» «A la mort de ces ciseleurs de mots, ces deux oracles seront exaucés»,estime l?orateur. Pour sa part, le chercheur R. Mokhtari s?est attaché à montrer le rôle joué par les chanteurs de l?exil, en l?occurrence Slimane Azem et Allaoua Zerrouki, dans la fixation des poèmes de Si Muh u M'hand, pour les léguer à la postérité et les soustraire aux aléas de l?oralité, à travers l?enregistrement de leurs chansons sur l?exil, «puisés de la matrice Mohandienne à des variantes près». «Ces deux artistes ont chanté l?amertume de l?exil, vécu comme un déracinement, en empruntant à Si Muh u M'hand l?habillage poétique de leurs textes.» Slimane Azem a butiné dans les poèmes de Si Muh u M'hand, en introduisant des variations portant essentiellement sur l?extension du référent géographique de l?exil, «en leur conférant une consonance proverbiale, commençant par la formule "Si Muh u M'hand a dit «pour mieux légitimer ses chansons auprès de l?auditoire». Allaoua Zerrouki, a contrario, a emprunté la poésie de Si Muh u M'hand pour «pimenter la sensibilité et la musicalité de ses ?uvres artistiques, en reproduisant notamment des vers licencieux». C?est l?histoire d?un poète à laquelle les générations d?aujourd?hui restent attachées en la reproduisant, chaque printemps, en Kabylie.