Résumé de la 1re partie n Michel et Félicien ont du mal à vivre. Aucun espoir. Ils veulent mettre fin à leurs jours. Ils se retrouvent attablés dans la plus chère et luxueuse auberge de la région. Serait-ce le dernier déjeuner ? Michel, d'un air décidé, demande une table pour deux à Sophie, la serveuse. Celle-ci, d'un ?il professionnel, jauge machinalement ces nouveaux arrivants. Sont-ils du genre à laisser un pourboire généreux sur la soucoupe, au moment de l'addition ? L'un d'eux a les ongles en deuil et des traces de cambouis sur les mains, l'autre semble avoir oublié de repasser son pantalon. Qui sait ?... Ce sont peut-être des camionneurs qui viennent de gagner au loto ? En tout cas, ils se tiennent correctement et s'installent sans complexe à la meilleure table. Bientôt, le plus âgé passe commande de deux menus à quatre cent soixante francs. Le grand jeu : foie gras, poêlée de Saint-Jacques au jus de truffes, homard rôti, poulet de Bresse aux morilles, fromage, pâtisseries. Ils ont bon appétit et arrosent ce festin du meilleur beaujolais. Entre eux, la conversation va bon train. A vrai dire, c'est surtout le plus âgé, le moustachu, qui parIe et l'autre, les sourcils froncés, écoute et opine du chef pratiquement sans répondre aux propos de son interIocuteur, propos qui échappent à la serveuse. Ce que Sophie, la serveuse, n'entend pas la ferait certainement sursauter si elle en saisissait la teneur. Michel, souriant, détendu, le verre de beaujolais à la main, explique à Félicien qu'il en a assez de l'existence, qu'il voudrait quitter ce bas monde. Pourquoi ? Une maladie incurable, précise-t-il, sans d'ailleurs donner plus de détails, ni sur les symptômes, ni sur un éventuel traitement, ni sur l'identité des médecins qui auraient déclaré son état sans espoir. Félicien, de l'autre côté de la table, écoute, approuve sans trop comprendre. Il a déjà entendu, au bistrot, Michel se plaindre de l'amertume de l'existence. Lui aussi, souvent, se demande si la vie vaut la peine d'être vécue. S'il n'avait pas les visites à sa petite Patricia... Mais voilà que Michel, après avoir commandé une nouvelle bouteille, dévoile son plan : il veut mourir, mais il ne sait pas trop comment s'y prendre... Il n'a pas non plus tellement de courage pour s'envoyer seul une décharge de chevrotines dans la bouche ou dans le crâne. Et s'il se ratait ? Et s'il se retrouvait handicapé à vie ? Aussi Michel demande-t-il à Félicien, tout de go, de bien vouloir lui rendre le service d'appuyer sur la détente de la carabine. Michel a tout prévu, tout calculé : l'endroit, tout près de la station de pompage désaffectée ; l'arme, une carabine qu'il possède. Il a prévu aussi les réticences de Félicien et les conséquences prévisibles. Il explique qu'il ne s'agit en fait que d'un acte d'euthanasie. D'ailleurs, Michel a déjà écrit une lettre de «décharge» qu'il montre à son copain. Il reconnaît qu'il désire mourir et que Félicien lui rend simplement le service de l'aider. Et, comme toute peine mérite salaire, Michel offre à Félicien, pour mieux jouir de l'existence, pour gâter un peu plus la petite Patricia, un chèque de cinquante mille francs. (à suivre...)