Coincé depuis des lustres entre deux oueds qui ont déjà dévoré sur leurs rives des centaines de mètres carrés, le village est quasiment mort lorsque les accès au monde extérieur deviennent impraticables en raison d?une pluviométrie abondante. A ce moment-là, les quelques enfants, encore scolarisés, sont contraints de rester chez eux, autour d?un feu de bois, à écouter les digressions d?une mère autoritaire ou les beaux contes d?une grand-mère qui n?a plus de dents, mais des yeux encore assez perçants pour faire de la poterie, le temps que le ciel redevienne clément et que le déluge s?estompe. Mahmoud, le vieux bûcheron, qui n?est jamais allé à l?école, se contente de mettre de l?ordre dans sa cueillette en attendant que la voie vers les buissons redevienne normale. Rachid, vendeur de sable, la seule chose qu?il connaisse du haut de ses 46 ans, prend son mal en patience et se cantonne à tendre l?oreille à son compère Abed qui, presque le même âge que lui, est, tout comme lui, encore célibataire. Abed, comme la cigale, chauffe ses mains pour jouer de petits morceaux répétés sur une guitare usée ; les gouttes d?eau qui tombent du toit apportent de la percussion. En attendant la passerelle, quelques villageois vont devoir vendre du bétail afin d?acheter de quoi manger. Ils vivent au jour le jour, se contentant du peu qu'ils ont. Chacun regarde passer le temps. Même les poules, les chèvres et les ânes se baladent librement dans tout le village. Entre-temps, l?oued fait ses dégâts.