Repère n A Alger, les vieilles femmes qui se rappellent les coutumes d'autrefois et conservent toute la beauté et le savoir du parler algérois, emploient une expression particulière pour parler d'une jolie fille, «bent lefnar», la fille de la lampe. Dire d'une fille qu'elle est bent lefnar, c'est non seulement dire qu'elle est très belle, mais aussi qu'elle est unique en son genre. La même expression est employée pour rabattre le caquet des prétentieuses : «H'asba rruh'-ha bent lefnar (elle se prend pour la fille de la lampe) !» Et celle qui se prend pour «la fille de la lampe» revient à de meilleurs sentiments ! A la base de cette expression, il y a une histoire, un beau conte que les vieilles femmes racontaient jadis dans les cours des maisons... Autrefois, à une époque indéterminée, régnait sur la ville d'Alger — qui s'appelait alors Mezghenna — un roi puissant. On ne se rappelle plus son nom, mais tout le monde l'appelait Al-Soltan, le Roi, et on le craignait. Le roi a une jolie femme qu'il aime bien, mais comme elle ne lui donne pas d'enfant, il s'est mis à la regarder d'un mauvais œil. «Quand vas-tu te décider, toi, à me donner un héritier ?» L'épouse, qui est une femme calme et mesurée, l'incite toujours à la patience. «Mon roi, lui dit-elle à chaque fois, il faut avoir confiance en Dieu et le prier de nous donner ce petit prince que nous désirons tous !» Le roi pouvait prendre d'autres épouses, mais comme il aimait la reine, il ne voulait pas la chagriner en lui donnant des co-épouses. Cependant, la reine ne cesse d'aller dans les sanctuaires et y faire l'aumône pour attendrir le ciel et avoir un enfant. Dieu finit par l'entendre et, quelque temps après, son ventre s'arrondit. Un jour que le roi lui parle de nouveau de son désir d'avoir un héritier, elle lui fait part de la bonne nouvelle. «Majesté, si Dieu veut, nous allons avoir un enfant !» Le roi la regarde, stupéfait et demande : «Tu es enceinte ? — Oui, dit-elle en mêlant rires et larmes, Dieu a entendu mes prières !» Le roi est si heureux qu'il ordonne qu'on organise une fête et que l'on fasse l'aumône aux pauvres du royaume. «Enfin, je vais avoir un héritier !» Il ordonne aussitôt à son épouse de ménager ses forces pour ne pas mettre sa grossesse en péril. «Tu ne feras rien qui puisse te causer du tort !» Le roi met à son service deux médecins qui ne la quittent que la nuit. Ils surveillent son alimentation, s'inquiètent au moindre malaise et l'incitent, à chaque fois que cela s'avère nécessaire, à prendre du repos. Sa nourrice est toujours avec elle, prête à satisfaire ses moindres désirs. Elle ne doit rien faire qui la fatigue ou qui mette le bébé qu'elle porte en son sein en danger : elle a compris qu'elle doit le protéger comme sa vie ! (à suivre...)