Résumé de la 93e partie n Sharkân, à la surprise générale du camp chrétien, surgit de nulle part, relevant le défi de Lucas. Les deux hommes se mettent face-à-face et le glas de la mise à mort sonne. Mais Scharkân, au moment même où le javelot passait en sifflant et l'allait transpercer, détendit son bras et l'attrapa au vol. Or, gloire à Scharkân ! Et il saisit ce javelot d'une main ferme et le lança dans l'air, si haut qu'il se perdit aux regards. Et il le rattrapa de la main gauche, en un clin d'œil. Et il s'écria : «Par Celui qui créa les sept étages du ciel ! je vais donner à ce maudit une leçon éternelle !» Et il lança le javelot. Alors l'abruti géant Lucas voulut faire le tour de force accompli par Scharkân et tendit la main pour arrêter l'arme volante. Mais Scharkân, profitant de ce moment où le chrétien se découvrait, lui lança un second javelot qui l'atteignit au front, à l'endroit même où il était tatoué d'une croix. Et l'âme mécréante de ce chrétien s'exhala et alla s'enfoncer dans les feux de l'enfer... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Quand vint la nuit, elle dit : Et l'âme mécréante de ce chrétien s'exhala et alla s'enfoncer dans les feux de l'enfer. Lorsque les soldats de l'armée chrétienne eurent appris, par la bouche des compagnons de Lucas, la mort de leur champion, ils se lamentèrent et se frappèrent le visage de douleur, puis se précipitèrent tous sur leurs armes en lançant des cris de mort et de vengeance. Alors les crieurs appelèrent les hommes, qui se rangèrent en ordre de bataille et, au signal donné par les deux rois, se précipitèrent en masse sur l'armée des musulmans. Et la mêlée s'engagea. Et les guerriers s'enlacèrent aux guerriers. Et le sang inonda les moissons. Et les cris succédèrent aux cris. Et les corps furent écrasés sous les sabots des chevaux. Et les hommes s'enivrèrent de sang et titubèrent comme les ivrognes. Et les morts s'entassèrent sur les morts, et les blessures sur les blessures. Et la bataille dura ainsi jusqu'à la tombée de la nuit, qui sépara les combattants. Alors Daoul'makân, après avoir félicité son frère Scharkân pour son exploit qui devait illustrer son nom durant les siècles, dit au vizir Dandân et au grand chambellan : «O grand vizir et toi, ô vénérable chambellan, prenez vingt mille guerriers et allez à la distance de sept parasanges vers la mer. Là vous vous embarquerez dans la vallée de la Montagne-Fumante, et, au signal que je vous donnerai en hissant le pavillon vert, vous vous lèverez soudain prêts à la bataille décisive. Or, nous, ici, nous ferons semblant de prendre la fuite. Alors les infidèles nous poursuivront. A ce moment-là, vous-mêmes, vous les poursuivrez, et nous, nous retournant, nous les attaquerons ; et ils seront ainsi cernés de tous côtés et pas un de ces infidèles n'échappera à notre glaive, lorsque nous crierons : Allah akbar !» Aussi le vizir Dandân et le grand chambellan répondirent par l'ouïe et l'obéissance et mirent immédiatement à exécution le plan qui était ordonné. Et ils se mirent en marche durant la nuit et allèrent prendre position dans la vallée de la Montagne-Fumante, là même où s'étaient d'abord embusqués les guerriers chrétiens venus de la mer et qui s'étaient ensuite joints à l'armée de terre : chose qui devait causer leur perte, car le premier plan de Mère-des-Calamités était le meilleur. (à suivre...)